Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Histoire littéraire
Publicité
Histoire littéraire
Histoire littéraire
Derniers commentaires
Archives
25 octobre 2017

Un monde à part, Gustaw Herling (1951)

Un monde à part couv

 

 

Un monde à part

Gustaw Herling (1951)

 

J’ai lu Un monde à part, de Gustaw Herling (1951), après Les Chuchoteurs. Vivre et survivre sous Staline d'Orlando Figes (2009) au printemps dernier... qui entrent en résonance avec des lectures d'il y a plus de trente ans : Anton Ciliga, Soljenitsyne, Varlam Chalamov...
Le soviétisme est l'un des systèmes qui a poussé le plus loin la déshumanisation des hommes.

Le litre du livre de Gustaw Herling est une référence à cette citation de Dostoievski mise en exergue :

  • "Il y a ici un monde à part, différent de celui que nous connaissons, avec des lois, des mœurs, des coutumes particulières : c'est la maison des morts vivants - une vie à part et des hommes à part. Et c'est ce coin à part que je vais décrire". (Souvenirs de la maison des morts)

Gustaw Herling
Gustaw Herling (1919-2000)

 

«Comme un bateau fantôme poursuivi par la mort, notre baraquement flottait sur l’océan sans lune des ténèbres, emportant en son sein son équipage endormi de galériens» (p. 289).

«Je ne savais pas alors qu’un état psychologique de pleine conscience est plus dangereux, quand on est dans l’esclavage, que la faim et la mort physique» (p. 307).

Natalia Lvovna : «Il y a toujours place pour l’espoir quand la vie est si totalement désespérée que plus personne ne peut nous atteindre… Nous nous appartenons, vous comprenez ? Nous devenons les maîtres absolus de nos vies… Quand il n’y a pas le moindre espoir d’être sauvé en vue, pas la plus petite fissure dans le mur qui nous encercle, quand nous ne pouvons nous retourner contre notre destin car il est notre destin, il ne nous reste plus qu’une seule chose : nous retourner contre nous-mêmes.
Vous ne pourriez probablement pas comprendre quel a été mon bonheur quand j’ai découvert qu’en fin de compte, nous n’appartenions qu’à nous-mêmes – au moins dans le mesure où l’on peut choisir la méthode par laquelle on mourra, et le moment de sa mort…
C’est cela que Dostoievski [«Souvenirs de la maison des morts»] m’a appris. En 1936, lorsque je me suis retrouvée en prison pour la première fois, j’ai terriblement souffert, croyant avoir té privée de la liberté pour l’avoir méritée, d’une manière ou d’une autre.
Mais je sais maintenant que c’est toute la Russie qui a toujours été, et qui est encore une maison des morts, que le temps est resté immobile depuis l’époque des travaux forcés décrits par Dostoievski jusqu’à la nôtre, et maintenant je suis libre, complètement libre ! Nous sommes morts depuis si longtemps, même si nous ne l’admettons pas. Pensez à ceci, simplement : je perds l’espoir quand s’éveille en moi le désir de la vie ; mais je le retrouve chaque fois que le désir de la mort reprend le dessus» (p. 310-311).

 

Souvenirs de la maison des morts

 

«Peu à peu, sans vouloir me l’avouer, j’en vins à haïr les prisonniers russes de tout mon être, du plus profond de mon désespoir, comme si c’étaient leurs mains invisibles qui me retenaient en s’accrochant à mon sarrau en haillons, et m’entraînaient dans les sables mouvants de leur propre désespoir afin de m’interdire pour toujours la lumière du jour, leurs propres yeux ayant en vain, pendant des années, tenté de percer la nuit opaque de leur existence. Je devins suspicieux, irritable et grossier, me mis à éviter mes meilleurs amis, accueillant l’expression de leur sympathie avec une méfiance morbide.
Cet état d’esprit me poussa à prendre ma décision [la grève de la faim pour obtenir une libération à laquelle il a droit après le pacte Sikorski-Staline du 30 juillet 1941], autant que tous les arguments rationnels ou le plus pur désespoir. Je voulais affirmer, au prix de ma propre vie si nécessaire, l’existence d’un droit, celui de faire un ultime choix ; un droit qu’eux, les éternels esclaves, n’auraient jamais osé revendiquer pour eux-mêmes. Mon comportement était répugnant et m’humiliait, mais j’étais incapable de ne pas l’adopter, comme un homme est incapable de se défendre contre sa nature profonde. Ce besoin de me venger sur les autres prisonniers seulement parce que j’étais sous la menace d’avoir à partager leur sort maudit, ce besoin fut ce que j’éprouvai de plus avilissant de toute ma vie» (p. 363-364).

«Je soupçonnais leurs manifestations de sympathie de n’être que le réconfort qu’éprouvent les condamnés à la vue du désespoir des autres» (p. 366).

«C’est une erreur de croire que seul un mendiant qui a échappé aux misères et aux souffrances de sa condition peut comprendre ses anciens compagnons. Bien au contraire, rien ne paraît plus répugnant à un homme, rien ne soulève davantage sa révolte que le tableau de ce qui était sa propre condition au degré le plus bas de l’avilissement, quand on le met soudain devant ses yeux» (p. 405).

 

camp goulag

 

goulag

 

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité