Paul Brulat (1866-1940)
Paul Brulat (1866-1940)
notice
Je reprends - et développe - la matière d'un article que j'ai créé pour une encyclopédie en ligne.
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Paul Brulat (1866-1940) est un écrivain et journaliste français.
Biographie
Paul Auguste Brulat est né le 26 mai 1866 à Saint-Jean-de-Muzols, au lieu-dit du Furgon, en Ardèche. À la naissance de l'enfant, son père, Auguste Casimir Burlat était avocat, alors âgé de trente ans ; sa mère, Alphonsine, Augustine Serpelin, âgée de vingt-huit ans (1).
À l'âge de deux ans, Paul Brulat s'installe avec sa famille en Tunisie (2) où son père est avocat défenseur auprès du tribunal d'instance de Tunis (3). Il revient en métropole pour suivre ses études au lycée de Marseille où il reste interne durant neuf ans, selon ses dires (4) ; il y a pour condisciple Edmond Rostand (2).
Il commence des études de droit à Paris en 1885 (5), et obtient sa licence. Puis effectue une année de service militaire (6). Il devient inspecteur des monuments historiques (7) (8).
Paul Brulat rencontre une première fois Émile Zola à la la fin 1889 (9).
Le 8 avril 1895, à la mairie du Ier arrondissement de Paris, Paul Brulat épouse Catherine Alice Bionier (née le 13 novembre 1877), en présence des écrivains Émile Zola et Paul Alexis et de l'éditeur Georges Charpentier ; les deux derniers étant des proches de Zola.
au 59, rue Lepic, le bel immeuble d'angle date de 1884 (source) ; Brulat y habite en 1896
Les époux habitent au 59 rue Lepic dans le XVIIIe arrondissement, dans un bel immeuble construit une dizaine d'années auparavant par l'architecte Émile Hennequet (source). Le 20 février 1896, à cette adresse, naît Paule Brulat, surnommée "Paulette" (30). La fillette rencontre Émile Zola quand elle accompagne son père à Médan. Le célèbre écrivain la prend en photo. Elle meurt en 1970, à Cannes.
acte de naissance de Paule ("Paulette") Brulat, le 20 février 1896
Paulette Brulat, photo d'Émile Zola (source)
Paul Brulat divorce le 6 janvier 1902 (10).
Brulat a manifesté un certain engouement pour l'anarchisme de philosophie mais non d'action violente. Dans ses mémoires il raconte qu'au temps du Journal (1892...), plusieurs de ses journalistes partageaient cet attrait :
- "En ce temps-là, la jeunesse d'élite se proclamait anarchiste et s'en prévalait comme d'une distinction supérieure. L'Anarchie, c'était, à ses yeux, l'affranchissement et le développement de la personnalité humaine, et tous les hommes frères dans la liberté. Barrès lui-même, tout en étant très patriote, n'était pas éloigné de ces idées, en préconisant le culte du moi.
Quelques jeunes collaborateurs du Journal : Paul Adam, Bernard Lazare, Gaston Leroux et moi-même, nous nous réunissions, deux ou trois fois par semaine, chez l'un des plus fervents apôtres de l'Anarchie, le docteur Frédéric Longo, qui habitait aux Batignolles.
Nous nous étions connus au Quartier Latin, nous étions du même âge. Nature ardente et d'un désintéressement passionné, Longo soignait les pauvres pour rien et distribuait tout ce qu'il possédait.
En attendant le «Grand Soir» qui devrait changer la face du monde et céeer un état nouveau de l'humanité, nous discutions jusqu'aux heures les plus avancées de la nuit" (36).
En 1903, il participe au premier pèlerinage de Médan. Plus tard, en 1921, il est cofondateur de la Société littéraire des Amis de Zola.
Dès le début de la guerre, à l'automne 1914, Paul Brulat prend part aux activités de la "Colonie des enfants de mobilisés" dont le premier centre est installé à Étretat en Seine-Maritime. Il note dans ses souvenirs : "Je n'étais que de passage à Paris. J'y venais chercher, chaque semaine, de pauvres enfants pour les transporter à Étretat, où s'était fondée la première colonie des orphelins de guerre. C'est une histoire des plus émouvantes et dont je fus le témoin, jusqu'à la fin des hostilités. (..) J'ai passé toute la guerre, penché sur cette enfance, victime de l'effroyable cataclysme" (11) (12).
Colonie des orphelins de guerre à Étretat
En 1917, en 1922, il habite au n° 21 rue la rue Ferdinand-Fabre à Paris (XVe arrondissement).
En novembre 1925, il fut victime d'un mauvais canular. Plusieurs journaux, abusés, annoncèrent sa mort, tel L'Est républicain (7) ou L'Ouest-Éclair (8). Ce dernier rectifia l'erreur peu après, sous le titre "Les sensations d'un mort vivant" en donnant la parole à l'intéressé : "Je viens d'éprouver, à mon tour, les sensations du mort vivant. Elles ne durèrent, heureusement, qu'un jour. Cela suffit, cependant, pour que - la nouvelle de mon décès ayant été répandue par l'Agence Havas et la T.S.F., sur la foi d'un mauvais plaisant - quelques personnes se soient présentées aussitôt pour louer mon appartement" (13).
Madame Paul Brulat Paul Brulat, vers 1930
Paul Brulat est mort le 30 juin 1940 (14) (15), dans la commune du Chesnay, en Seine-et-Oise (aujourd'hui département des Yvelines). Partir au moment où la France s'effondrait n'a pas permis que l'on remarquât la disparition de cet écrivain ni de dresser le bilan de son œuvre.
acte de décès de Paul Brulat, 30 juin 1940 (la date de sa mort était jusqu'ici inconnue)
Carrière
À côté de sa fonction d'inspecteur des Monuments historiques (Brulat signe souvent de ce titre mais très peu d'informations sont disponibles à ce sujet), il entame un parcours de journaliste.
À la fin de l'année 1889, à l'âge de vingt-trois ans, il entre au quotidien La Presse dirigé par Georges Laguerre, principal organe du boulangisme (16). Il donne à ce journal une chronique quotidienne de cent lignes, qu'on lui interdit cependant de signer, dit-il dans ses souvenirs (17) ; on relève pourtant souvent sa signature quand on dépouille ce journal.
La Presse, directeur : Georges Laguerre, 22 février 1890
Paul Brulat a collaboré aux organes de presse suivants : le Journal, L’Événement, La Cocarde de Maurice Barrès à l'automne 1894 (16), la Revue socialiste, La Justice de Clemenceau à la fin de 1897 (16), la Revue indépendante, Les Droits de l’homme, L'Esprit français, Les Maîtres de la Plume, Le Petit Marseillais (collaborateur littéraire).
Engagé au Journal, dès sa création en septembre 1892 par Fernand Xau, Brulat évoque dans ses mémoires le lancement du nouvel organe de presse :
- "Ma vie de reporter errant se terminait de la façon la plus heureuse. Je recevais une lettre de Fernand Xau, m'invitant à collaborer au Journal qu'il fondait. Il avait tout pour réussir : l'initiative, l'expérience, l'entregent, la foi, et surtout de gros capitaux. Il offrait à ses collaborateurs des appointements inusités. Jamais la littérature n'avait été à pareille fête. Le bon François Coppée, entre autres, devait recevoir trois cents francs par chronique. À prix d'or, on avait enlevé aux autres feuilles littéraires quelques-uns de leurs plus brillants leaders.
Je m'engageai à fournir des contes, des enquêtes et articles d'information.
La France était criblée d'affiches, annonçant l'apparition prochaine du grand journal littéraire à cinq centimes, avec les noms et portraits des rédacteurs. Le nombre de ceux-ci dépasssait la centaine.
L'avant-veille du premier numéro, le 20 septembre 1892, un grand banquet nous réunissait. À la table d'honneur, siégeaient Zola, François Coppée, André Theuriet, Séverine, Octave Mirbeau, Jean Lorrain, Henry Céard, Maurice Barrès, Paul Hervieu, Émile Bergerat, Clovis Hugues, Grosclaude, Paul Alexis, Henry Becque, Rémy de Gourmont, Félicien Champsaur, Jean de Bonnefon, tous ceux qui apportaient au Journal le prestige de leurs noms et de leurs œuvres.
Aux tables latérales se groupaient les jeunes, encore peu connus, mais qui donnaient les plus belle promesses : Paul Adam, Georges d'Esparbès, Alphonse Allais, Fernand Vandérem, Louis de Robert, Joseph Caraguel, Georges Docquois, Bernard Lazare, Auguste Marin, Gaétan de Méaulne, bien d'autres.
À cette brillante phalange devaient bientôt s'ajouter Catille Mendès, Lucien Descaves, Courteline, Pierre Louys, Henri Fèvre, Ernest Lajeunesse, Pierre Veber" (35).
Le Journal, n° 1, 28 septembre 1892 (source)
Il publie deux romans sur le journalisme : Le Reporter (1898) et La Faiseuse de gloire (1900).
C’est donc en intellectuel et écrivain averti, admirateur de Zola et farouche défenseur d’Alfred Dreyfus, qu’il devient l’un des collaborateurs du Carmel en 1916 puis le directeur de le revue culturelle suisse Le Carmel français fin 1917.
Journaliste engagé, Paul Brulat mécontente certains de ses collègues : le 31 janvier 1899, il affronte en duel un homme de confiance de Rochefort, Daniel Cloutier (1862-1902), passionné d'escrime (18).
Paul Brulat a appartenu :
- au comité de la Société des Gens de Lettres (avec le parrainage d'Alphonse Allais) ;
- à la société "L'Évolution mondiale" ;
- à la Fédération internationales des arts, des lettres et des sciences (fondée en 1918) ;
- au Cercle international intellectuel.
Il a fondé la société "Les amis de Jules Princet" (1873-1924, créateur du Théâtre aux Champs, 1906-1914).
Paul Brulat, 1932
(Les Feuillets bleus, 22 octobre 1932)
Brulat dans l'Affaire Dreyfus
Dans ses mémoires, Lumières et grandes ombres (1930), Paul Brulat raconte la scène de la dégradation du capitaine Dreyfus, le 5 janvier 1895 : "Le malheureux officier criait son innocence. - Sur la tête de ma femme et de mes enfants, je jure que je suis innocent. Un ouragan d'outrages lui répondait : Sale juif, Judas ! Mort au traître ! Tout à coup, j'eus l'intuition que cet homme était sincère... À la fin de mon compte rendu de la dégradation, j'émis l'hypothèse d'une erreur judiciaire. - Est-ce que vous êtes fou ? me demanda Xau (directeur du Journal). Refaites-moi ça ; effacez, du moins, les dernières lignes. - Non, répondis-je, j'ai dit ce que je pense. Mon compte rendu ne parut pas. Je le proposai à d'autres journaux, où il fut également refusé" (19).
L'œuvre littéraire
L'âme errante (1892)
C'est l'histoire de Dominique Malaure, esprit intelligent mais tourmenté par la disparition précoce de sa mère, son isolement relationnel, ses crises nerveuses et ses pleurs incontrôlés qui parsèment sa torpeur et son apathie pathologique. Il ne trouve à contourner cette instabilité psychologique que par deux rencontres dans sa vie : celle de Philippon, un condisciple du collège où il est interne ; et celle de madame Menerson (Ellen) avec qui, plus tard, il éprouve un amour - adultère - partagé. Le roman s'achève par la tentative tragique des deux amants d'échapper au malheur des conventions qui s'opposent à leur passion.
L'histoire s'inspire d'un fait réel, l'affaire Chambige : "Le 25 janvier 1888, dans une villa de Sidi-Mabrouk, aux environs de Constantine, l’étudiant Chambige est retrouvé blessé près du cadavre dévêtu de Magdeleine Grille, une femme mariée dont la vertu et la fidélité étaient jusque-là réputées irréprochables. Jugée devant la cour d’assises de Constantine du 8 au 11 novembre 1888, l’affaire fait grand bruit parce qu’elle mobilise deux familles connues et influentes. Au terme du procès, Chambige sera reconnu coupable de meurtre prémédité avec circonstances atténuantes et condamné à sept ans de travaux forcés et un franc de dommages envers la partie civile. Durant les débats, deux lectures de l’affaire s’opposent" (31).
Paul Brulat prend parti pour l'hypotèse de la passion meurtrière de Dominique et Ellen. À la reparution du livre, en 1923, la revue Comœdia rédige une note curieuse qui fait douter que le rédacteur a vraiment lu l'ouvrage... :
- "Pour être l'une des premières œuvres de M. Paul Brulat, L'Âme errante (qu'on réimprime aujourd'hui) n'apportait pas moins, en son temps, cette vigueur et cette indépendance intellectuelles qui classaient son auteur parmi les écrivains avec lesquels il fallait compter. Fidèle à la tradition des penseurs du XVIIIe siècle, M. Paul Brulat n'a jamais fait un faux pas sur la route qu'il s'est tracée. Ce livre de jeunesse est le roman d'une conscience droite et claire qui, sous le pessimisme apparent, croit en la beauté de l'effort, à son effet bienfaisant sur le destin des hommes" (32).
L'Ennemie (1896)
Le chroniqueur littéraire du Matin présente ce livre ainsi : "Le nouveau volume de Paul Brulat, L'Ennemie, est une œuvre sincère et personnelle qui passionnera tous ceux qu'intéresse l'étude vivante des douleurs humaines. Il touche aux plaies les plus vives, aux actualités les plus inquiétantes de la société moderne, en mettant en scène anarchistes, rastaquouères, matamores, aventuriers et tous ceux qui se ruent furieusement à l'assaut de la fortune pour assouvir leurs appétits" (20). Quant au rédacteur de La Justice, journal de Clemenceau, il signale qu'il s'agit de "la conclusion philosophique d'une trilogie où l'auteur raconte l'évolution intellectuelle et morale d'un jeune homme moderne (21).
Le Reporter (1898)
Balzac avait dressé un portrait mordant de la presse dans Illusions perdues (1837-1843). Comme disciple de Zola, Paul Brulat la traite en romancier naturaliste et dénonce sa toute puissance (22). Le nouveau roman de M. Paul Brulat est un tableau de mœurs (23).
Violence et raison (1898)
La Faiseuse de gloire (1900)
La "faiseuse de gloire", c'est encore la presse. "Brulat y a dénoncé les dangers de la presse actuelle accaparée par des forbans de finance et des brasseurs d'affaires, où l'écrivain, le philosophe, le penseur, ne sont plus rien, devenus esclaves du Capital, comme autrefois ils étaient «domestiques» et pensionnés des Princes, désormais condamnés à la condition de salariés, résignés aux viles servitudes. (...) La Faiseuse de gloire est un roman expérimental, selon la formule un peu étroite, préconisée par Émile Zola, il y a bientôt trente ans ; formule où le génie de l'illustre romancier épique ne put d'ailleurs jamais s'enfermer. Nous y assistons, aux aventures de Pierre Marzans, écrivain honnête, laborieux et digne, qui malgré son talent, ses qualités, est écrasé, persécuté, éconduit par la coalition des pornographes et des médiocres, qui encombrent les rédactions parisiennes. Parce que sa conscience n'est pas à vendre, parce que sa plume n'est point encline à se prostituer, on le chasse de partout, on le rejette comme un pestiféré (24)."
Le même critique, Maurice Le Blond, adresse aussi des objections au récit : "Ce que je reprocherais à Brulat, c'est de n'avoir pas donné aux personnages de son roman un caractère plus général. On sent trop par exemple que Marzans c'est Brulat mais que jamais il n'incarne une collectivité ; je n'ai pas noté une minute où ce personnage paraisse représentatif d'une caste professionnelle, d'une famille de tempéraments quelconque. Voilà un grand défaut pour un romancier, se montrer soi-même dans ses romans avec son teint, sa démarche et sa voix, cela rétrécit toujours le cas, l'émotion, l'intérêt, et quand il s'agit d'une œuvre pamphlétaire, comme celle-ci, le lecteur est toujours tenté de soupçonner des rancunes personnelles, ce qui affaiblit la portée de la thèse" (25).
Meryem (1900)
La Gangue (1903)
Eldorado (1904)
L'aventure de Cabassou (1905)
Histoire populaire de Gambetta (1909)
La femme et l'ombre (1913)
Beaucoup d'amour pour rien (1916)
Rina (1918)
L'Étoile de Joseph (1921)
"L'éditeur J. Ferenczi (Paris, rue Antoine Chantin, 9e), qui réédite depuis quelque temps les œuvres de M. Paul Brulat, auxquelles le public fait un nouveau succès, vient de nous donner un roman inédit de l'auteur de l'Eldorado, sous le titre : L'Étoile de Joseph. C'est, parallèlement avec l'histoire d'un raté de la littérature parti ambitieusement de son village pour conquérir la gloire Paris, celle de sa malheureuse famille, confiante en la destinée d'un fils dont les succès scolaires la grisèrent, et qui, déracinée dans la Grand'Ville, sacrifie jusqu'au dernier sou pour nourrir ses folles chimères.
L'Étoile de Joseph pâlit à l'horizon au moment où la misère la plus noire règne chez ses parents. L'intervention providentielle d'un frère autrefois méprisé et enrichi sauve tout le monde de la débâcle. Joseph revient à son village, gros... Joseph comme devant, au milieu d'une apothéose organisé par son cadet, dont la générosité va jusqu'à raviver, aux feux de la rampe locale, l'étoile du dramaturge encore injoué.
Un grincheux pourrait reprocher à ce roman de M. Paul Brulat, outre par endroits, un certain grossissement comique, de trop bien finir. Mais l'auteur a averti, dans sa dédicace, qu'il allait surtout prêcher la bonté dans ce livre, où il montre les vicissitudes sans nombre et sans nom de la carrière des lettres, pour laquelle il faut, en dehors de la chance, des reins solides, du travail et du talent, et où un vieil académicien désabusé dit des vérités excellentes à entendre dire. L'Étoile de Joseph est une œuvre riche en moralités."
Albert Hennequin,
Revue Moderne des arts et de la vie,
15 mai 1922, p. 23-24.
Ne forçons pas notre destin (1926)
Lumières et grandes ombres (1930)
Il s'agit des mémoires de Paul Brulat depuis 1885, soit quarante ans de vie parisienne, politique et littéraire, avec l'évocation de nombreuses personnalités : Émile Zola, Clemenceau, Verlaine, Barrès, Louise Michel, Anatole France, le dramaturge Henry Becque, le député radical Léon Chambige, et encore le boulangisme, l'Affaire Dreyfus... (25). Il évoque Octave Mirbeau avec sympathie.
On y croise aussi Léon Bloy, égal à lui-même, désabusé et féroce, qui lui dit : "J'ai lu votre roman [L'Âme errante] ; c'est un bon début, et il faut bien que la critique, qui a encore un peu d'influence et d'autorité, en lance un ou deux par saison. Elle vous a choisi... Oui, c'est une chance, profitez-en. Vous vous apercevrez plus tard qu'il n'existe que fort peu de relation entre le succès d'une œuvre et sa valeur intrinsèque. Il est dû le plus souvent au scandale, ou à l'argent, ou à la camaraderie, à d'autres causes multiples, au hasard même, est-ce qu'on sait ? (...) En réalité, ce n'est pas une œuvre qui triomphe, c'est un homme, qui connaît son monde et qui sait y faire... Vous, vous êtes un sincère, et vous êtes pauvre ; vous n'êtes pas non plus un habile... La seule chance qui vous reste, pour l'avenir, c'est, quand vous aurez beaucoup produit, beaucoup souffert, qu'on vous sache gré de n'avoir pas le succès que vous méritez. Alors vous désarmerez la jalousie. On vous découvrira de la valeur, parce que vous ne gênerez personne" (34).
La vie de Rirette (1932)
Critiques
Paul Brulat a été la cible du prêtre Louis Bethléem qui le cite à charge, dans son Romans à lire et romans à proscrire (1904) : "Disciple de Zola, écrivain agressif qui proclama, à diverses reprises, les droits de la pensée ; écrivain naturaliste" (26).
Citations
- "Rien n'est tel, pour bien écrire, en vers comme en prose, que de sentir et d'avoir vraiment quelque chose à dire", Lumières et grandes ombres. Souvenirs personnels, 1930, p. 69.
Publications
Romans
- L'Âme errante, 1892.
- La Rédemption, 189527.
- L'Ennemie, 1897.
- Le reporteur, roman contemporain, 1898.
- La Faiseuse de gloire, 1900.
- Le nouveau Candide, 1902.
- La Gangue, 1903.
- Eldorado, 1904.
- L'aventure de Cabassou, 1905.
- Beaucoup d'amour pour rien..., 1916.
- Rina, 1918.
- La plus belle victoire, 1920.
- L'étoile de Joseph, 1921.
- L'amour sauveur, (15 pages) 1921.
- Ne forçons pas notre destin, 1926.
- Le passage dangereux, 1928.
- Le devoir de vivre, 1928.
- La vie de Rirette, 1932.
Histoire
- Histoire populaire de Jules Ferry, 1907.
- Histoire populaire d'Émile Zola, 1909.
- Histoire populaire de Gambetta, 1909.
- Histoire populaire du général Hoche, 1911.
- Histoire populaire du général Galliéni, 1920.
Contes et nouvelles
- Sous la fenêtre, 1896.
- Méryem, 1900.
- La femme et l'ombre, 1913.
- Les destinées, 1921.
Divers
- L'affaire Dreyfus. Violence et raison, préface de Georges Clemenceau, 1898.
- Pensées choisies, 1922.
- Causerie faite en l'Hôtel du Cercle de la Librairie, 192328.
- Lumières et grandes ombres. Souvenirs personnels, 1930.
- La peinture à travers les âges, 193129.
Bibliographie
- L'œuvre de Paul Brulat", Marcel Batilliat, in Monde Nouveau, 15 février 1926
- "Deux journalistes dans l'Affaire Dreyfus : Louis de Robert et Paul Brulat", Alain Quella-Villéger, actes du colloque "L'Affaire Dreyfus et la presse", Tours 1994, in Littérature et nation, université de Tours, février 1997, p. 91-97.
- "Le Calvaire et L'Âme errante : Mirbeau, Paul Brulat et l'hystérie", Pierre Michel, Cahiers Octave Mirbeau, n° 11, 2004. [en ligne]
- les bulletins de l'Association Émile Zola, dont Paul Brulat était membre.
Michel Renard
professeur d'histoire
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Notes
1 - Registre d'état civil, commune de Saint-Jean-de-Muzols, archives départementales de l'Ardèche.
2 - Chantecler, Tananarive, 4 mai 1931, p. 4 ; L'article rend compte du livre de Brulat, Lumières et grandes ombres, paru l'année précédente.Cf. Le Petit Tunisien. Organe des intérêts français et des communes tunisiennes, 18 août 1889 ; il résidait au n° 35 de la rue de l'Ancienne-Douane.Lumières et grandes ombres, 1930, p. 28.Lumières et grandes ombres, 1930, p. 43.
6 - Lumières et grandes ombres, 1930, p. 69.L'Est républicain, 26 novembre 1925.L'Ouest-Éclair, 26 novembre 1925.Lumières et grandes ombres, 1930, p. 73.Archives de Paris, état civil numérisé, V4E 8035.Lumières et grandes ombres, 1930, p. 186 et 188.Journal des débats politiques et littéraires, 20 octobre 1914.L'Ouest-Éclair, 5 décembre 1925.Extrait d'acte de décès, année 1940, n° 63, service d'état civil, mairie du Chesnay. Paul Brulat est décédé au n° 7 de la rue Bricqueville au Chesnay, mais il habitait à Versailles au n° 36 de la rue de la Paroisse. Sa mort a été déclarée par sa filleule, Hermanes Labbé.Sa mort a été annoncée dans certains organes de presse datés du dimanche 18, ou du lundi 19 août 1940 : Lyon-Soir, le salut public, 18 août 1940 ; Journal des Débats politiques et littéraires, 19 août 1940. Cf. également L'Impartial, La Chaux-de-Fonds (Suisse), 19 août 1940.Centre d'études du 19e siècle français Joseph Sablé, Toronto (Canada), notice Paul Brulat.Lumières et grandes ombres, 1930, p. 79.Les parlementaires de la Seine sous la Troisième République. II. Dictionnaire biographique, Arlette Schweitz, éd. Publications de la Sorbonne, 2001, p. 152.La Tribune juive : organe indépendant du judaïsme de l'Est de la France, 2 janvier 1931, p. 4-5.Le Matin, 23 novembre 1896.La Justice, 15 décembre 1896.Le Reporter, 1898, préface, p. VI.La Revue des revues, 1er janvier 1898, p. 95.Maurice Le Blond, La Revue naturiste, 15 janvier 1901, p. 39-41.
Antoine Albalat, Journal des débats, 30 mars 1930, p. 3.Romans à lire et romans à proscrire. Essai de classification au point de vue moral des principaux romans et romanciers (1500-1928), Louis Bethléem, éd. 1928, p. 97.Titre complet : Histoire d'un homme [sous la Troisième République]. La Rédemption.
In Dix causeries françaises faites en l'Hotel du Cercle de la Librairie [Texte imprimé] : 15 décembre 1922-22 juin 1923, p. 248-290 ; la causerie de Paul Brulat date du 25 mai 1923.Avec Guillaume Jeanneau, inspecteur des Monuments historiques.
30 - Archives de Paris, registre d'état civil, naissances, XVIIIe arrondissement, année 1896.
31 - Cf. "Une cause passionnelle passionnante : Tarde et l’affaire Chambige (1889)", Jacqueline Carroy et Marc Renneville, Champ pénal/Penal field [en ligne], XXXIVe Congrès français de criminologie, Les criminologiques de Tarde.
32 - Comoedia, 27 février 1923.
34 - Lumières et grandes ombres, 1930, p. 91-92.
35 - Lumières et grandes ombres, 1930, p. 92-93.
36 - Lumières et grandes ombres, 1930, p. 107-108.
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Paul Brulat a été membre de l'Association Émile Zola, fondée le 4 juin 1909. En juin 1910, il devient rédacteur du Bulletin en remplacement de Maurice Le Blond.
Discours
prononcé par M. Paul Brulat, vice-président de la Société des Gens de lettres
à l’inauguration du monument Émile Zola
à Aix-en-Provence, 12 novembre 1911
Messieurs,
En prenant ici la parole au nom de la société des Gens de Lettres, qu’Émile Zola présida pendant quatre ans, ma mission se réduit – et telle que mon insuffisance la conçoit elle dépasserait encore mes fonces – à vous parler de l’écrivain, de l’artiste, du grand romancier qui, en dehors des passions de parti, des luttes politiques et sociales, représente par son puissant labeur et son œuvre immense, une des renommées les plus éclatantes de la littérature française, dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Peut-être pensez-vous que tout a déjà été dit à ce sujet. Ce n’était point l’avis d’Émile Zola lui-même : «J’ai comme le sentiment, écrivait-il avec une mélancolie profonde que justifiait les violentes attaques dont il était l’objet, qu’on me découvrira vingt ans ou cinquante ans après ma mort». Je pense aussi, Messieurs, que l’heure de la justice intégrale sonnera tôt ou tard pour lui, et alors, la ville d’Aix, où Émile Zola vécut son enfance et une partie de sa libre jeunesse, où il apprit à aimer la nature dont il fut le chantre souvent magnifique, la vieille et charmante cité provençale tout entière s’honorera d’avoir, la première, rendu un juste hommage à ce grand homme de lettres.
Il ne fut point, comme certains l’ont prétendu, un phénomène ou une exception dans notre littérature. Il apparaît, au contraire, comme le descendant et l’héritier d’une nombreuse famille intellectuelle d’artistes, de penseurs et de poètes. Il a pour aïeux, d’une part, Alfred de Musset et Victor Hugo ; d’autre part Balzac et Flaubert ; d’autre part encore, Auguste Comte et Taine. Il tient à la fois aux uns et aux autres par quelque côté de son génie. À tous, il a emprunté quelque chose : aux romantiques, leur lyrisme, leur souffle d’épopée et aussi parfois leurs exagérations ; aux premiers naturalistes, leur amour du document, leur belle santé, leur admirable humanité ; aux positivistes, leur méthode analytique et leur doctrine basée sur les données précises de la science et de l’expérience.
D’abord, on demeure saisi d’étonnement devant ces quarante volumes composant une œuvre unique, un tout qui fut arrêté d’avance dans un cadre précis, et l’on ne peut qu’éprouver un profond respect pour le rude homme qui, à travers une époque hésitante et troublée, a pu réaliser tout entière et telle qu’il l’avait conçue, dès l’âge de vingt-cinq ans, cette gigantesque entreprise, avec une sorte de discipline presque héroïque, dédaigneux des outrages, opposant une conviction hautaine à toutes les fureurs, offrant enfin le beau spectacle de son immuable foi en ce qu’il croyait être la vérité.
C’est peut-être le plus prodigieux effort que nous ayons à constater dans notre littérature. Beaucoup de romanciers furent sans doute aussi féconds qu’Émile Zola, mais aucun ne nous a laissé une œuvre aussi solidement unie que cette Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. Les uns, comme Dumas père, puisèrent indifféremment leurs sujets dans toutes les époques, les varièrent au gré d’une imagination merveilleuse et fantasque ; les autres abordèrent tous les genres. Nulle part, enfin, dans l’art pur, nous ne retrouvons au même degré ce puissant esprit de suite, cette grandeur logique qui caractérisèrent Zola.
Être vrai, peindre fidèlement tous les milieux, toutes les classes et tous les travaux d’une société, embrasser la vie entière avec ses tristesses et ses douleurs, ses poésies et ses joies, ses beautés et ses laideurs, bâtir une œuvre documentée mais aussi variée que la réalité, que la nature elle-même, s’effacer cependant derrière les événements et, comme conclusion, s’en tenir à la leçon sévère des faits impartialement exposés, telle fut, du moins dans la première et la plus féconde partie de sa carrière, l’esthétique d’Émile Zola.
Son art, qu’on pourrait définir le vrai devenu le beau, s’appliqua à découvrir la beauté de la vérité. La réalité est laide, attristante, décevante, avait-on déclaré avant lui : l’artiste doit la travestir. Zola, au contraire, l’envisagea plus qu’on ne l’avait osé jusqu’à lui, et, en la peignant avec son lyrisme, qui a fait de lui non seulement le plus somptueux descriptif de notre littérature, mais aussi un des plus grands poètes du XIXe siècle, prétendit nous montrer tout ce qu’elle contient de poésie, de grandeur, de spectacles émouvants, effrayants et superbes. Au lieu de se complaire dans la mélancolie qui s’exhale des ruines, il aima son époque avec passion, il emboucha toutes les trompettes épique pour célébrer les grandes inventions de notre temps, les découvertes de la science, les conquêtes de l’industrie, les créations nouvelles, la formidable activité des grandes cités modernes. Son œuvre est une arche immense où s’animent d’une vie ardente tous les êtres de la création, les bêtes et les plantes, les individus et les multitudes. Zola est le poète des réalités et le prophète de l’avenir, car tout en observant le présent, ses regards cherchèrent à pénétrer au-delà. Et c’est par là qu’il fut aussi un visionnaire. Ses derniers livres, Travail et Vérité, nous font assister à la cité future, au monde selon con cœur qu’il entrevit dans les lointains de son idéal.
Cependant, ne nous y trompons pas. S’il fut, à certains égards, un magnifique romantique, il n’en eut pas moins, par dessus tout, quoi qu’on ait pu en dire, le souci de la vérité. C’est même en cela que consiste son originalité réelle et qu’il fit acte de créateur. Nous pensons que son œuvre subsistera surtout par ce qu’elle contient de vrai et de vécu.
Certes, il n’est pas un roman de Zola dont on ne puisse détacher de superbes pages, dignes de durer et qui dureront sans doute, mais son chef-d’œuvre, selon nous, celui qui demeurera tout entier autant qu’il y aura de cœurs sensibles à la misère humaine, c’est-à-dire tant qu’il y aura des hommes, est le livre où il a mis le moins de romantisme et le plus de vérité, d’observation exacte et d’émotion vivante : L’Assommoir. Livre splendide, humain, profond par sa simplicité même ; livre où l’auteur se fait complètement oublier, où l’art n’apparaît presque pas, tant il est parfait.
On lui a reproché d’avoir calomnié la nature humaine. Sans doute, en dépit de son robuste optimisme, eut-il tendance à tomber parfois dans l’excès contraire du romantisme, en faisant une part trop faible au bien, aux sentiments purs, désintéressés et nobles, qui sont dans l’humanité.
Pourtant cette part existe dans son œuvre. Chacun de ses romans nous découvre un caractère bon et généreux. En présence de Coupeau, l’ivrogne malfaisant, apparaît Goujet, l’ouvrier honnête, sobre et laborieux ; devant Nana, la prostituée, se dresse la femme vertueuse, l’épouse, et même l’amante dévouée jusqu’au sacrifice, la Christine de l’Œuvre, une des figures les plus touchantes du roman contemporain. Dans la Débâcle, à côté de Maurice, l’enfant dégénéré, faible et violent, se trouve Jean Macquart, le fils de la terre, sain, robuste et vaillant, et qui ne désespère jamais du salut de la patrie. Enfin – car le temps nous manque pour poursuivre cette démonstration – aux bas instincts de la bête humaine, Zola a toujours opposé les passions les plus élevées et les belles actions. Son œuvre, formidable épopée démocratique, rude comme le souffle, comme l’odeur qui s’exhale des agglomérations populeuses, n’est pas plus immorale que la vie et que la vérité, car elle est l’image de l’une et de l’autre.
Ce qui est immoral, ce ne sont pas les quelques gros mots répandus dans 25 000 pages – Rabelais en contient aussi et de plus nombreux, et Rabelais n’en est pas moins classique – 25 000 pages qui constituent une œuvre saine par ses tendances générales, exaltant le travail, l’effort sans cesse renouvelé, l’ambition de savoir toujours davantage, la libre expansion de toutes les facultés humaines, exhortant à vivre la vie tout entière et à utiliser jusqu’à sa souffrance. Ce qui est immoral, c’est ce que nous voyons bien souvent autour de nous, ce sont les iniquités sociales, c’est le mérite méconnu, c’est parfois le triomphe du vice, de l’erreur ou de la sottise, c’est la misère injuste… Ah ! certes, le mal existe, mais il faut le découvrir où il est vraiment, et non dans les œuvres d’art qui prétendent le châtier en le dénonçant.
Messieurs, un simple exposé de la morale de Zola répondra au reproche qui lui fut fait d’avoir méconnu l’idéal des hommes ou de l’avoir détruit pour ne laisser que des ruines.
Devant les progrès et les audaces de la pensée libre, un grand cri de protestation s’est élevé du fond des consciences troublées :
«Insensés, disent-ils, qui promettez aux hommes le bonheur dans la vérité tangible ! La science n’a-t-elle pas démontré son insuffisance ? Loin de nous donner la sérénité, elle a aggravé nos incertitudes et nos angoisses. Comme par le passé, comme aux temps les plus reculés de l’ignorance, devant nous se dressent l’inquiétude et l’épouvante de l’immense inconnu dont nous sommes enveloppés ; les mêmes problèmes demeurent, humiliant la raison impuissante. Les secrets que nous cache la nature sont autant de maux dont elle a voulu nous garantir. Arracher de ce monde les anciennes croyances serait l’ébranler jusqu’aux fondements, et ce serait aussi le déchaînement de tous les égoïsmes, de tous les appétits…»
Il ne m’appartient pas d’aborder une telle discussion. J’entends seulement montrer que Zola fut le contraire d’un sectaire. En effet, cette grande plainte, il l’entendit, il s’en fit même l’écho éloquent dans les dernières pages de Lourdes, où son abbé Pierre Froment, sentant chanceler sa foi, se demande cependant, ému d’une profonde pitié fraternelle, si la vérité n’est pas trop brutale, trop cruelle pour que la faible humanité puisse l’accepter sans désespérer. Un moment, il s’attendrit, il hésite, et le problème se pose devant lui : le monde peut-il se passer d’illusion ? Quelle ressource, quelle consolation restera-t-il contre les rigueurs et les injustices du sort ? Et il y a là des pages admirables où Zola comprenant l’héroïsme qu’il faut pour endurer la douleur de vivre sans l’espoir d’un au-delà réparateur, fut amené à concevoir une religion nouvelle qui s’accommoderait des conquêtes de la science, qui ferait à la terre une part plus large et ne serait pas un appétit de la mort.
Ce fut la pensée, l’ambition de Zola, que je n’approuve ni ne condamne, que je me borne à exposer, et c’est pourquoi toute son œuvre est un hymne magnifique à la vie, qui mérite d’être vécue pour elle même et qu’on ne se lasse pas de croire bonne.
Voilà le fondement de sa morale : n’ayons pas peur de la vie. «Ah ! la peur de la vie, s’écrie-t-il, la peur des charges et des devoirs, des ennuis et des catastrophes ! La peur de la vie qui fait, dans l’épouvante où l’on est de ses douleurs, que l’on refuse ses joies ! Cette lâcheté me soulève, je ne puis la pardonner. Il faut vivre, vivre tout entier, vivre toute la vie, et plutôt la souffrance, la souffrance seule que le renoncement à ce qu’on a de vivant et d’humain en soi !»
De vive voix, il nous donnait encore ce conseil : «Regardez toujours en avant, jamais en arrière». Sans doute voulait-il nous engager, non pas à renoncer au culte des morts, mais à ne pas trop nous laisser engourdir l’âme par la mélancolie des choses qui commencent à s’effacer dans le crépuscule grave de l’histoire et reporter constamment, et héroïquement, tout notre effort vers l’œuvre qui nous rappelle, réveille notre énergie, la volonté et le courage de produire encore.
Ayons les yeux fixés sur l’avenir où rayonne toujours une espérance, l’idéal lointain qui nous exhorte à lutter sans cesse et qui faisait dire à Renan avec une douce et profonde bonhomie : «Il y a tout de même avantage à passer sur notre planète le plus tard possible».
Bulletin de l'Association Émile Zola, 1910, p. 197-202.
* Il faut noter le style assez plat, pauvre en images, aux formules convenues et aux enchaînements banals… Paul Brulat n'a pas signé là un grand texte. M. R.
membres de l'Association Émile Zola, en 1909
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Documents
Paul Brulat, lettre à Jean Ajalbert, 26 décembre 1929
lettres autographes de Paul Brulat
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Images