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29 mai 2017

Paul Brulat (1866-1940)

Paul Brulat 1918

 

 

Paul Brulat (1866-1940)

notice

 

 

Je reprends - et développe - la matière d'un article que j'ai créé pour une encyclopédie en ligne.

________________

 

Paul Brulat (1866-1940) est un écrivain et journaliste français.

 

Biographie

Paul Auguste Brulat est né le 26 mai 1866 à Saint-Jean-de-Muzols, au lieu-dit du Furgon, en Ardèche. À la naissance de l'enfant, son père, Auguste Casimir Burlat était avocat, alors âgé de trente ans ; sa mère, Alphonsine, Augustine Serpelin, âgée de vingt-huit ans (1).

À l'âge de deux ans, Paul Brulat s'installe avec sa famille en Tunisie (2) où son père est avocat défenseur auprès du tribunal d'instance de Tunis (3). Il revient en métropole pour suivre ses études au lycée de Marseille où il reste interne durant neuf ans, selon ses dires (4) ; il y a pour condisciple Edmond Rostand (2).

Il commence des études de droit à Paris en 1885 (5), et obtient sa licence. Puis effectue une année de service militaire (6). Il devient inspecteur des monuments historiques (7) (8).

Paul Brulat rencontre une première fois Émile Zola à la la fin 1889 (9).

Le 8 avril 1895, à la mairie du Ier arrondissement de Paris, Paul Brulat épouse Catherine Alice Bionier (née le 13 novembre 1877), en présence des écrivains Émile Zola et Paul Alexis et de l'éditeur Georges Charpentier ; les deux derniers étant des proches de Zola.

 

59 rue Lepic
au 59, rue Lepic, le bel immeuble d'angle date de 1884 (source) ; Brulat y habite en 1896

 

Les époux habitent au 59 rue Lepic dans le XVIIIe arrondissement, dans un bel immeuble construit une dizaine d'années auparavant par l'architecte Émile Hennequet (source). Le 20 février 1896, à cette adresse, naît Paule Brulat, surnommée "Paulette" (30). La fillette rencontre Émile Zola quand elle accompagne son père à Médan. Le célèbre écrivain la prend en photo. Elle meurt en 1970, à Cannes.

 

acte naissance Paulette Brulat 1896
acte de naissance de Paule ("Paulette") Brulat, le 20 février 1896

 

Paulette Brulat, photo de Zola
Paulette Brulat, photo d'Émile Zola (source)

 

Paul Brulat divorce le 6 janvier 1902 (10).

Brulat a manifesté un certain engouement pour l'anarchisme de philosophie mais non d'action violente. Dans ses mémoires il raconte qu'au temps du Journal (1892...), plusieurs de ses journalistes partageaient  cet attrait :

  • "En ce temps-là, la jeunesse d'élite se proclamait anarchiste et s'en prévalait comme d'une distinction supérieure. L'Anarchie, c'était, à ses yeux, l'affranchissement et le développement de la personnalité humaine, et tous les hommes frères dans la liberté. Barrès lui-même, tout en étant très patriote, n'était pas éloigné de ces idées, en préconisant le culte du moi.
    Quelques jeunes collaborateurs du Journal : Paul Adam, Bernard Lazare, Gaston Leroux et moi-même, nous nous réunissions, deux ou trois fois par semaine, chez l'un des plus fervents apôtres de l'Anarchie, le docteur Frédéric Longo, qui habitait aux Batignolles.
    Nous nous étions connus au Quartier Latin, nous étions du même âge. Nature ardente et d'un désintéressement passionné, Longo soignait les pauvres pour rien et distribuait tout ce qu'il possédait.
    En attendant le «Grand Soir» qui devrait changer la face du monde et céeer un état nouveau de l'humanité, nous discutions jusqu'aux heures les plus avancées de la nuit" (36).

En 1903, il participe au premier pèlerinage de Médan. Plus tard, en 1921, il est cofondateur de la Société littéraire des Amis de Zola.

Dès le début de la guerre, à l'automne 1914, Paul Brulat prend part aux activités de la "Colonie des enfants de mobilisés" dont le premier centre est installé à Étretat en Seine-Maritime. Il note dans ses souvenirs : "Je n'étais que de passage à Paris. J'y venais chercher, chaque semaine, de pauvres enfants pour les transporter à Étretat, où s'était fondée la première colonie des orphelins de guerre. C'est une histoire des plus émouvantes et dont je fus le témoin, jusqu'à la fin des hostilités. (..) J'ai passé toute la guerre, penché sur cette enfance, victime de l'effroyable cataclysme" (11) (12).

Colonie des orphelins de guerre à Étretat
Colonie des orphelins de guerre à Étretat

 

En 1917, en 1922, il habite au n° 21 rue la rue Ferdinand-Fabre à Paris (XVe arrondissement).

En novembre 1925, il fut victime d'un mauvais canular. Plusieurs journaux, abusés, annoncèrent sa mort, tel L'Est républicain (7) ou L'Ouest-Éclair (8). Ce dernier rectifia l'erreur peu après, sous le titre "Les sensations d'un mort vivant" en donnant la parole à l'intéressé : "Je viens d'éprouver, à mon tour, les sensations du mort vivant. Elles ne durèrent, heureusement, qu'un jour. Cela suffit, cependant, pour que - la nouvelle de mon décès ayant été répandue par l'Agence Havas et la T.S.F., sur la foi d'un mauvais plaisant - quelques personnes se soient présentées aussitôt pour louer mon appartement" (13).

 

Madame Paul Brulat    Paul Brulat vers 1930
Madame Paul Brulat                                                       Paul Brulat, vers 1930

 

Paul Brulat est mort le 30 juin 1940 (14) (15), dans la commune du Chesnay, en Seine-et-Oise (aujourd'hui département des Yvelines). Partir au moment où la France s'effondrait n'a pas permis que l'on remarquât la disparition de cet écrivain ni de dresser le bilan de son œuvre.


acte de décès Paul Brulat 30 juin 1940acte de décès de Paul Brulat, 30 juin 1940 (la date de sa mort était jusqu'ici inconnue)

 

 

Carrière

À côté de sa fonction d'inspecteur des Monuments historiques (Brulat signe souvent de ce titre mais très peu d'informations sont disponibles à ce sujet), il entame un parcours de journaliste.

À la fin de l'année 1889, à l'âge de vingt-trois ans, il entre au quotidien La Presse dirigé par Georges Laguerre, principal organe du boulangisme (16). Il donne à ce journal une chronique quotidienne de cent lignes, qu'on lui interdit cependant de signer, dit-il dans ses souvenirs (17) ; on relève pourtant souvent sa signature quand on dépouille ce journal.

La Presse 22 février 1890
La Presse, directeur : Georges Laguerre, 22 février 1890

Paul Brulat a collaboré aux organes de presse suivants : le Journal, L’Événement, La Cocarde de Maurice Barrès à l'automne 1894 (16), la Revue socialiste, La Justice de Clemenceau à la fin de 1897 (16), la Revue indépendante, Les Droits de l’homme, L'Esprit français, Les Maîtres de la Plume, Le Petit Marseillais (collaborateur littéraire).

Engagé au Journal, dès sa création en septembre 1892 par Fernand Xau, Brulat évoque dans ses mémoires le lancement du nouvel organe de presse :

  • "Ma vie de reporter errant se terminait de la façon la plus heureuse. Je recevais une lettre de Fernand Xau, m'invitant à collaborer au Journal qu'il fondait. Il avait tout pour réussir : l'initiative, l'expérience, l'entregent, la foi, et surtout de gros capitaux. Il offrait à ses collaborateurs des appointements inusités. Jamais la littérature n'avait été à pareille fête. Le bon François Coppée, entre autres, devait recevoir trois cents francs par chronique. À prix d'or, on avait enlevé aux autres feuilles littéraires quelques-uns de leurs plus brillants leaders.
    Je m'engageai à fournir des contes, des enquêtes et articles d'information.
    La France était criblée d'affiches, annonçant l'apparition prochaine du grand journal littéraire à cinq centimes, avec les noms et portraits des rédacteurs. Le nombre de ceux-ci dépasssait la centaine.
    L'avant-veille du premier numéro, le 20 septembre 1892, un grand banquet nous réunissait. À la table d'honneur, siégeaient Zola, François Coppée, André Theuriet, Séverine, Octave Mirbeau, Jean Lorrain, Henry Céard, Maurice Barrès, Paul Hervieu, Émile Bergerat, Clovis Hugues, Grosclaude, Paul Alexis, Henry Becque, Rémy de Gourmont, Félicien Champsaur, Jean de Bonnefon, tous ceux qui apportaient au Journal le prestige de leurs noms et de leurs œuvres.
    Aux tables latérales se groupaient les jeunes, encore peu connus, mais qui donnaient les plus belle promesses : Paul Adam, Georges d'Esparbès, Alphonse Allais, Fernand Vandérem, Louis de Robert, Joseph Caraguel, Georges Docquois, Bernard Lazare, Auguste Marin, Gaétan de Méaulne, bien d'autres.
    À cette brillante phalange devaient bientôt s'ajouter Catille Mendès, Lucien Descaves, Courteline, Pierre Louys, Henri Fèvre, Ernest Lajeunesse, Pierre Veber" (35).

Le Journal 28 septembre 1892
Le Journal, n° 1, 28 septembre 1892 (source)

 

Il publie deux romans sur le journalisme : Le Reporter (1898) et La Faiseuse de gloire (1900).

C’est donc en intellectuel et écrivain averti, admirateur de Zola et farouche défenseur d’Alfred Dreyfus, qu’il devient l’un des collaborateurs du Carmel en 1916 puis le directeur de le revue culturelle suisse Le Carmel français fin 1917.

Journaliste engagé, Paul Brulat mécontente certains de ses collègues : le 31 janvier 1899, il affronte en duel un homme de confiance de Rochefort, Daniel Cloutier (1862-1902), passionné d'escrime (18).

Paul Brulat a appartenu :

  • au comité de la Société des Gens de Lettres (avec le parrainage d'Alphonse Allais) ;
  • à la société "L'Évolution mondiale" ;
  • à la Fédération internationales des arts, des lettres et des sciences (fondée en 1918) ;
  • au Cercle international intellectuel.

Il a fondé la société "Les amis de Jules Princet" (1873-1924, créateur du Théâtre aux Champs, 1906-1914).

Paul Brulat 1932
Paul Brulat, 1932
(Les Feuillets bleus, 22 octobre 1932)

 

Brulat dans l'Affaire Dreyfus

Dans ses mémoires, Lumières et grandes ombres (1930), Paul Brulat raconte la scène de la dégradation du capitaine Dreyfus, le 5 janvier 1895 : "Le malheureux officier criait son innocence. - Sur la tête de ma femme et de mes enfants, je jure que je suis innocent. Un ouragan d'outrages lui répondait : Sale juif, Judas ! Mort au traître ! Tout à coup, j'eus l'intuition que cet homme était sincère... À la fin de mon compte rendu de la dégradation, j'émis l'hypothèse d'une erreur judiciaire. - Est-ce que vous êtes fou ? me demanda Xau (directeur du Journal). Refaites-moi ça ; effacez, du moins, les dernières lignes. - Non, répondis-je, j'ai dit ce que je pense. Mon compte rendu ne parut pas. Je le proposai à d'autres journaux, où il fut également refusé" (19).

 

L'œuvre littéraire

L'âme errante  (1892)

C'est l'histoire de Dominique Malaure, esprit intelligent mais tourmenté par la disparition précoce de sa mère, son isolement relationnel, ses crises nerveuses et ses pleurs incontrôlés qui parsèment sa torpeur et son apathie pathologique. Il ne trouve à contourner cette instabilité psychologique que par deux rencontres dans sa vie : celle de Philippon, un condisciple du collège où il est interne ; et celle de madame Menerson (Ellen) avec qui, plus tard, il éprouve un amour - adultère - partagé. Le roman s'achève par la tentative tragique des deux amants d'échapper au malheur des conventions qui s'opposent à leur passion.

L'histoire s'inspire d'un fait réel, l'affaire Chambige : "Le 25 janvier 1888, dans une villa de Sidi-Mabrouk, aux environs de Constantine, l’étudiant Chambige est retrouvé blessé près du cadavre dévêtu de Magdeleine Grille, une femme mariée dont la vertu et la fidélité étaient jusque-là réputées irréprochables. Jugée devant la cour d’assises de Constantine du 8 au 11 novembre 1888, l’affaire fait grand bruit parce qu’elle mobilise deux familles connues et influentes. Au terme du procès, Chambige sera reconnu coupable de meurtre prémédité avec circonstances atténuantes et condamné à sept ans de travaux forcés et un franc de dommages envers la partie civile. Durant les débats, deux lectures de l’affaire s’opposent" (31).

Paul Brulat prend parti pour l'hypotèse de la passion meurtrière de Dominique et Ellen. À la reparution du livre, en 1923, la revue Comœdia rédige une note curieuse qui fait douter que le rédacteur a vraiment lu l'ouvrage... :

  • "Pour être l'une des premières œuvres de M. Paul Brulat, L'Âme errante (qu'on réimprime aujourd'hui) n'apportait pas moins, en son temps, cette vigueur et cette indépendance intellectuelles qui classaient son auteur parmi les écrivains avec lesquels il fallait compter. Fidèle à la tradition des penseurs du XVIIIe siècle, M. Paul Brulat n'a jamais fait un faux pas sur la route qu'il s'est tracée. Ce livre de jeunesse est le roman d'une conscience droite et claire qui, sous le pessimisme apparent, croit en la beauté de l'effort, à son effet bienfaisant sur le destin des hommes" (32).

 

L'âme errante couv 1939

 

 

L'Ennemie  (1896)

Le chroniqueur littéraire du Matin présente ce livre ainsi : "Le nouveau volume de Paul Brulat, L'Ennemie, est une œuvre sincère et personnelle qui passionnera tous ceux qu'intéresse l'étude vivante des douleurs humaines. Il touche aux plaies les plus vives, aux actualités les plus inquiétantes de la société moderne, en mettant en scène anarchistes, rastaquouères, matamores, aventuriers et tous ceux qui se ruent furieusement à l'assaut de la fortune pour assouvir leurs appétits" (20). Quant au rédacteur de La Justice, journal de Clemenceau, il signale qu'il s'agit de "la conclusion philosophique d'une trilogie où l'auteur raconte l'évolution intellectuelle et morale d'un jeune homme moderne (21).

 

L'Ennemie couv

 

 

Le Reporter  (1898)

Balzac avait dressé un portrait mordant de la presse dans Illusions perdues (1837-1843). Comme disciple de Zola, Paul Brulat la traite en romancier naturaliste et dénonce sa toute puissance (22). Le nouveau roman de M. Paul Brulat est un tableau de mœurs (23).

 

Le Reporter couv

 

 

Violence et raison  (1898)

 

Violence et raison couv

 

 

La Faiseuse de gloire  (1900)

La "faiseuse de gloire", c'est encore la presse. "Brulat y a dénoncé les dangers de la presse actuelle accaparée par des forbans de finance et des brasseurs d'affaires, où l'écrivain, le philosophe, le penseur, ne sont plus rien, devenus esclaves du Capital, comme autrefois ils étaient «domestiques» et pensionnés des Princes, désormais condamnés à la condition de salariés, résignés aux viles servitudes. (...) La Faiseuse de gloire est un roman expérimental, selon la formule un peu étroite, préconisée par Émile Zola, il y a bientôt trente ans ; formule où le génie de l'illustre romancier épique ne put d'ailleurs jamais s'enfermer. Nous y assistons, aux aventures de Pierre Marzans, écrivain honnête, laborieux et digne, qui malgré son talent, ses qualités, est écrasé, persécuté, éconduit par la coalition des pornographes et des médiocres, qui encombrent les rédactions parisiennes. Parce que sa conscience n'est pas à vendre, parce que sa plume n'est point encline à se prostituer, on le chasse de partout, on le rejette comme un pestiféré (24)."

Le même critique, Maurice Le Blond, adresse aussi des objections au récit : "Ce que je reprocherais à Brulat, c'est de n'avoir pas donné aux personnages de son roman un caractère plus général. On sent trop par exemple que Marzans c'est Brulat mais que jamais il n'incarne une collectivité ; je n'ai pas noté une minute où ce personnage paraisse représentatif d'une caste professionnelle, d'une famille de tempéraments quelconque. Voilà un grand défaut pour un romancier, se montrer soi-même dans ses romans avec son teint, sa démarche et sa voix, cela rétrécit toujours le cas, l'émotion, l'intérêt, et quand il s'agit d'une œuvre pamphlétaire, comme celle-ci, le lecteur est toujours tenté de soupçonner des rancunes personnelles, ce qui affaiblit la portée de la thèse" (25).

La Faiseuse de gloire couv   La Faiseuse de gloire couv

 

 

Meryem  (1900)

 

Meryem couv

 

 

La Gangue  (1903)

 

La Gangue couv   La Gangue couv

 

 

 

Eldorado  (1904)

 

Eldorado couv

 

 

 

L'aventure de Cabassou  (1905)

 

L'aventure de Cabassou couv

 

 

 

Histoire populaire de Gambetta  (1909)

 

Histoire populaire de Gambetta couv   Histoire populaire de Gambetta couv

 

 

 

La femme et l'ombre  (1913)

 

La Femme et l'ombre couv

 

 

Beaucoup d'amour pour rien  (1916)

 

Beaucoup d'amour pour rien couv

 

 

Rina  (1918)

 

Rina couv

 

 

L'Étoile de Joseph  (1921)

"L'éditeur J. Ferenczi (Paris, rue Antoine Chantin, 9e), qui réédite depuis quelque temps les œuvres de M. Paul Brulat, auxquelles le public fait un nouveau succès, vient de nous donner un roman inédit de l'auteur de l'Eldorado, sous le titre : L'Étoile de Joseph. C'est, parallèlement avec l'histoire d'un raté de la littérature parti ambitieusement de son village pour conquérir la gloire Paris, celle de sa malheureuse famille, confiante en la destinée d'un fils dont les succès scolaires la grisèrent, et qui, déracinée dans la Grand'Ville, sacrifie jusqu'au dernier sou pour nourrir ses folles chimères.

L'Étoile de Joseph pâlit à l'horizon au moment où la misère la plus noire règne chez ses parents. L'intervention providentielle d'un frère autrefois méprisé et enrichi sauve tout le monde de la débâcle. Joseph revient à son village, gros... Joseph comme devant, au milieu d'une apothéose organisé par son cadet, dont la générosité va jusqu'à raviver, aux feux de la rampe locale, l'étoile du dramaturge encore injoué.

Un grincheux pourrait reprocher à ce roman de M. Paul Brulat, outre par endroits, un certain grossissement comique, de trop bien finir. Mais l'auteur a averti, dans sa dédicace, qu'il allait surtout prêcher la bonté dans ce livre, où il montre les vicissitudes sans nombre et sans nom de la carrière des lettres, pour laquelle il faut, en dehors de la chance, des reins solides, du travail et du talent, et où un vieil académicien désabusé dit des vérités excellentes à entendre dire. L'Étoile de Joseph est une œuvre riche en moralités."

Albert Hennequin,
Revue Moderne des arts et de la vie,
15 mai 1922, p.  23-24.

 

 

Ne forçons pas notre destin  (1926)

 

Ne forçons pas notre destin couv

 

 

Lumières et grandes ombres  (1930)

Il s'agit des mémoires de Paul Brulat depuis 1885, soit quarante ans de vie parisienne, politique et littéraire, avec l'évocation de nombreuses personnalités  : Émile Zola, Clemenceau, Verlaine, Barrès, Louise Michel, Anatole France, le dramaturge Henry Becque, le député radical Léon Chambige, et encore le boulangisme, l'Affaire Dreyfus... (25). Il évoque Octave Mirbeau avec sympathie.

On y croise aussi Léon Bloy, égal à lui-même, désabusé et féroce, qui lui dit : "J'ai lu votre roman [L'Âme errante] ; c'est un bon début, et il faut bien que la critique, qui a encore un peu d'influence et d'autorité, en lance un ou deux par saison. Elle vous a choisi... Oui, c'est une chance, profitez-en. Vous vous apercevrez plus tard qu'il n'existe que fort peu de relation entre le succès d'une œuvre et sa valeur intrinsèque. Il est dû le plus souvent au scandale, ou à l'argent, ou à la camaraderie, à d'autres causes multiples, au hasard même, est-ce qu'on sait ? (...) En réalité, ce n'est pas une œuvre qui triomphe, c'est un homme, qui connaît son monde et qui sait y faire... Vous, vous êtes un sincère, et vous êtes pauvre ; vous n'êtes pas non plus un habile... La seule chance qui vous reste, pour l'avenir, c'est, quand vous aurez beaucoup produit, beaucoup souffert, qu'on vous sache gré de n'avoir pas le succès que vous méritez. Alors vous désarmerez la jalousie. On vous découvrira de la valeur, parce que vous ne gênerez personne" (34).

 

Lumières et grandes ombres Paul Brulat couverture

 

 

La vie de Rirette  (1932)

 

La Vie de Rirette couv

 

 

Critiques

Paul Brulat a été la cible du prêtre Louis Bethléem qui le cite à charge, dans son Romans à lire et romans à proscrire (1904) : "Disciple de Zola, écrivain agressif qui proclama, à diverses reprises, les droits de la pensée ; écrivain naturaliste" (26).

 

Citations

  • "Rien n'est tel, pour bien écrire, en vers comme en prose, que de sentir et d'avoir vraiment quelque chose à dire", Lumières et grandes ombres. Souvenirs personnels, 1930, p. 69. 

 

Publications

Romans 

  • L'Âme errante, 1892.
  • La Rédemption, 189527.
  • L'Ennemie, 1897.
  • Le reporteur, roman contemporain, 1898.
  • La Faiseuse de gloire, 1900.
  • Le nouveau Candide, 1902.
  • La Gangue, 1903.
  • Eldorado, 1904.
  • L'aventure de Cabassou, 1905.
  • Beaucoup d'amour pour rien..., 1916.
  • Rina, 1918.
  • La plus belle victoire, 1920.
  • L'étoile de Joseph, 1921.
  • L'amour sauveur, (15 pages) 1921.
  • Ne forçons pas notre destin, 1926.
  • Le passage dangereux, 1928.
  • Le devoir de vivre, 1928.
  • La vie de Rirette, 1932.

Histoire 

  • Histoire populaire de Jules Ferry, 1907.
  • Histoire populaire d'Émile Zola, 1909.
  • Histoire populaire de Gambetta, 1909.
  • Histoire populaire du général Hoche, 1911.
  • Histoire populaire du général Galliéni, 1920.

Contes et nouvelles 

  • Sous la fenêtre, 1896.
  • Méryem, 1900.
  • La femme et l'ombre, 1913.
  • Les destinées, 1921.

Divers 

  • L'affaire Dreyfus. Violence et raison, préface de Georges Clemenceau, 1898.
  • Pensées choisies, 1922.
  • Causerie faite en l'Hôtel du Cercle de la Librairie, 192328.
  • Lumières et grandes ombres. Souvenirs personnels, 1930.
  • La peinture à travers les âges, 193129.

 

Bibliographie

  • L'œuvre de Paul Brulat", Marcel Batilliat, in Monde Nouveau, 15 février 1926
  • "Deux journalistes dans l'Affaire Dreyfus : Louis de Robert et Paul Brulat", Alain Quella-Villéger, actes du colloque "L'Affaire Dreyfus et la presse", Tours 1994, in Littérature et nation, université de Tours, février 1997, p. 91-97.
  • "Le Calvaire et L'Âme errante : Mirbeau, Paul Brulat et l'hystérie", Pierre Michel, Cahiers Octave Mirbeau, n° 11, 2004. [en ligne]

 

Michel Renard
professeur d'histoire

________________

 

Notes

1 - Registre d'état civil, commune de Saint-Jean-de-Muzols, archives départementales de l'Ardèche.
2 - Chantecler, Tananarive, 4 mai 1931, p. 4 ; L'article rend compte du livre de Brulat, Lumières et grandes ombres, paru l'année précédente.

3 -
Cf. Le Petit Tunisien. Organe des intérêts français et des communes tunisiennes, 18 août 1889 ; il résidait au n° 35 de la rue de l'Ancienne-Douane.

4 -
Lumières et grandes ombres, 1930, p. 28.

5 -
Lumières et grandes ombres, 1930, p. 43.
6 -
Lumières et grandes ombres, 1930, p. 69.
7 -
L'Est républicain, 26 novembre 1925.

8 -
L'Ouest-Éclair, 26 novembre 1925.

9 -
Lumières et grandes ombres, 1930, p. 73.

10 -
Archives de Paris, état civil numérisé, V4E 8035.

11 -
Lumières et grandes ombres, 1930, p. 186 et 188.

12 -
Journal des débats politiques et littéraires, 20 octobre 1914.

13 -
L'Ouest-Éclair, 5 décembre 1925.

14 -
Extrait d'acte de décès, année 1940, n° 63, service d'état civil, mairie du Chesnay. Paul Brulat est décédé au n° 7 de la rue Bricqueville au Chesnay, mais il habitait à Versailles au n° 36 de la rue de la Paroisse. Sa mort a été déclarée par sa filleule, Hermanes Labbé.

15 -
Sa mort a été annoncée dans certains organes de presse datés du dimanche 18, ou du lundi 19 août 1940 : Lyon-Soir, le salut public, 18 août 1940 ; Journal des Débats politiques et littéraires, 19 août 1940. Cf. également L'Impartial, La Chaux-de-Fonds (Suisse), 19 août 1940.

16 -
Centre d'études du 19e siècle français Joseph Sablé, Toronto (Canada), notice Paul Brulat.

17 -
Lumières et grandes ombres, 1930, p. 79.

18 -
Les parlementaires de la Seine sous la Troisième République. II. Dictionnaire biographique, Arlette Schweitz, éd. Publications de la Sorbonne, 2001, p. 152.

19 -
La Tribune juive : organe indépendant du judaïsme de l'Est de la France, 2 janvier 1931, p. 4-5.

20 -
Le Matin, 23 novembre 1896.

21 -
La Justice, 15 décembre 1896.

22 -
Le Reporter, 1898, préface, p. VI.

23 -
La Revue des revues, 1er janvier 1898, p. 95.

24 -
Maurice Le Blond, La Revue naturiste, 15 janvier 1901, p. 39-41.
25 - Antoine Albalat, Journal des débats, 30 mars 1930, p. 3.
26 -
Romans à lire et romans à proscrire. Essai de classification au point de vue moral des principaux romans et romanciers (1500-1928), Louis Bethléem, éd. 1928, p. 97.

27 -
Titre complet : Histoire d'un homme [sous la Troisième République]. La Rédemption.
28 - In Dix causeries françaises faites en l'Hotel du Cercle de la Librairie [Texte imprimé] : 15 décembre 1922-22 juin 1923, p. 248-290 ; la causerie de Paul Brulat date du 25 mai 1923.
29 -
Avec Guillaume Jeanneau, inspecteur des Monuments historiques.
30 - Archives de Paris, registre d'état civil, naissances, XVIIIe arrondissement, année 1896.
31 - Cf. "Une cause passionnelle passionnante : Tarde et l’affaire Chambige (1889)", Jacqueline Carroy et Marc Renneville, Champ pénal/Penal field [en ligne], XXXIVe Congrès français de criminologie, Les criminologiques de Tarde.
32 - Comoedia, 27 février 1923.
34 - Lumières et grandes ombres, 1930, p. 91-92.
35 - Lumières et grandes ombres, 1930, p. 92-93.
36 - Lumières et grandes ombres, 1930, p. 107-108.

 

 

________________

 

 

Brulat et l'Association Émile Zola
 

Association Émile Zola ours

 

Paul Brulat a été membre de l'Association Émile Zola, fondée le 4 juin 1909. En juin 1910, il devient rédacteur du Bulletin en remplacement de Maurice Le Blond.

 

Discours

prononcé par M. Paul Brulat, vice-président de la Société des Gens de lettres
à l’inauguration du monument Émile Zola
à Aix-en-Provence, 12 novembre 1911

 

Messieurs,

En prenant ici la parole au nom de la société des Gens de Lettres, qu’Émile Zola présida pendant quatre ans, ma mission se réduit – et telle que mon insuffisance la conçoit elle dépasserait encore mes fonces – à vous parler de l’écrivain, de l’artiste, du grand romancier qui, en dehors des passions de parti, des luttes politiques et sociales, représente par son puissant labeur et son œuvre immense, une des renommées les plus éclatantes de la littérature française, dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Peut-être pensez-vous que tout a déjà été dit à ce sujet. Ce n’était point l’avis d’Émile Zola lui-même : «J’ai comme le sentiment, écrivait-il avec une mélancolie profonde que justifiait les violentes attaques dont il était l’objet, qu’on me découvrira vingt ans ou cinquante ans après ma mort». Je pense aussi, Messieurs, que l’heure de la justice intégrale sonnera tôt ou tard pour lui, et alors, la ville d’Aix, où Émile Zola vécut son enfance et une partie de sa libre jeunesse, où il apprit à aimer la nature dont il fut le chantre souvent magnifique, la vieille et charmante cité provençale tout entière s’honorera d’avoir, la première, rendu un juste hommage à ce grand homme de lettres.

Il ne fut point, comme certains l’ont prétendu, un phénomène ou une exception dans notre littérature. Il apparaît, au contraire, comme le descendant et l’héritier d’une nombreuse famille intellectuelle d’artistes, de penseurs et de poètes. Il a pour aïeux, d’une part, Alfred de Musset et Victor Hugo ; d’autre part Balzac et Flaubert ; d’autre part encore, Auguste Comte et Taine. Il tient à la fois aux uns et aux autres par quelque côté de son génie. À tous, il a emprunté quelque chose : aux romantiques, leur lyrisme, leur souffle d’épopée et aussi parfois leurs exagérations ; aux premiers naturalistes, leur amour du document, leur belle santé, leur admirable humanité ; aux positivistes, leur méthode analytique et leur doctrine basée sur les données précises de la science et de l’expérience.

D’abord, on demeure saisi d’étonnement devant ces quarante volumes composant une œuvre unique, un tout qui fut arrêté d’avance dans un cadre précis, et l’on ne peut qu’éprouver un profond respect pour le rude homme qui, à travers une époque hésitante et troublée, a pu réaliser tout entière et telle qu’il l’avait conçue, dès l’âge de vingt-cinq ans, cette gigantesque entreprise, avec une sorte de discipline presque héroïque, dédaigneux des outrages, opposant une conviction hautaine à toutes les fureurs, offrant enfin le beau spectacle de son immuable foi en ce qu’il croyait être la vérité.

C’est peut-être le plus prodigieux effort que nous ayons à constater dans notre littérature. Beaucoup de romanciers furent sans doute aussi féconds qu’Émile Zola, mais aucun ne nous a laissé une œuvre aussi solidement unie que cette Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. Les uns, comme Dumas père, puisèrent indifféremment leurs sujets dans toutes les époques, les varièrent au gré d’une imagination merveilleuse et fantasque ; les autres abordèrent tous les genres. Nulle part, enfin, dans l’art pur, nous ne retrouvons au même degré ce puissant esprit de suite, cette grandeur logique qui caractérisèrent Zola.

Être vrai, peindre fidèlement tous les milieux, toutes les classes et tous les travaux d’une société, embrasser la vie entière avec ses tristesses et ses douleurs, ses poésies et ses joies, ses beautés et ses laideurs, bâtir une œuvre documentée mais aussi variée que la réalité, que la nature elle-même, s’effacer cependant derrière les événements et, comme conclusion, s’en tenir à la leçon sévère des faits impartialement exposés, telle fut, du moins dans la première et la plus féconde partie de sa carrière, l’esthétique d’Émile Zola.

Son art, qu’on pourrait définir le vrai devenu le beau, s’appliqua à découvrir la beauté de la vérité. La réalité est laide, attristante, décevante, avait-on déclaré avant lui : l’artiste doit la travestir. Zola, au contraire, l’envisagea plus qu’on ne l’avait osé jusqu’à lui, et, en la peignant avec son lyrisme, qui a fait de lui non seulement le plus somptueux descriptif de notre littérature, mais aussi un des plus grands poètes du XIXe siècle, prétendit nous montrer tout ce qu’elle contient de poésie, de grandeur, de spectacles émouvants, effrayants et superbes. Au lieu de se complaire dans la mélancolie qui s’exhale des ruines, il aima son époque avec passion, il emboucha toutes les trompettes épique pour célébrer les grandes inventions de notre temps, les découvertes de la science, les conquêtes de l’industrie, les créations nouvelles, la formidable activité des grandes cités modernes. Son œuvre est une arche immense où s’animent d’une vie ardente tous les êtres de la création, les bêtes et les plantes, les individus et les multitudes. Zola est le poète des réalités et le prophète de l’avenir, car tout en observant le présent, ses regards cherchèrent à pénétrer au-delà. Et c’est par là qu’il fut aussi un visionnaire. Ses derniers livres, Travail et Vérité, nous font assister à la cité future, au monde selon con cœur qu’il entrevit dans les lointains de son idéal.

Cependant, ne nous y trompons pas. S’il fut, à certains égards, un magnifique romantique, il n’en eut pas moins, par dessus tout, quoi qu’on ait pu en dire, le souci de la vérité. C’est même en cela que consiste son originalité réelle et qu’il fit acte de créateur. Nous pensons que son œuvre subsistera surtout par ce qu’elle contient de vrai et de vécu.

Certes, il n’est pas un roman de Zola dont on ne puisse détacher de superbes pages, dignes de durer et qui dureront sans doute, mais son chef-d’œuvre, selon nous, celui qui demeurera tout entier autant qu’il y aura de cœurs sensibles à la misère humaine, c’est-à-dire tant qu’il y aura des hommes, est le livre où il a mis le moins de romantisme et le plus de vérité, d’observation exacte et d’émotion vivante : L’Assommoir. Livre splendide, humain, profond par sa simplicité même ; livre où l’auteur se fait complètement oublier, où l’art n’apparaît presque pas, tant il est parfait.

On lui a reproché d’avoir calomnié la nature humaine. Sans doute, en dépit de son robuste optimisme, eut-il tendance à tomber parfois dans l’excès contraire du romantisme, en faisant une part trop faible au bien, aux sentiments purs, désintéressés et nobles, qui sont dans l’humanité.

Pourtant cette part existe dans son œuvre. Chacun de ses romans nous découvre un caractère bon et généreux. En présence de Coupeau, l’ivrogne malfaisant, apparaît Goujet, l’ouvrier honnête, sobre et laborieux ; devant Nana, la prostituée, se dresse la femme vertueuse, l’épouse, et même l’amante dévouée jusqu’au sacrifice, la Christine de l’Œuvre, une des figures les plus touchantes du roman contemporain. Dans la Débâcle, à côté de Maurice, l’enfant dégénéré, faible et violent, se trouve Jean Macquart, le fils de la terre, sain, robuste et vaillant, et qui ne désespère jamais du salut de la patrie. Enfin – car le temps nous manque pour poursuivre cette démonstration – aux bas instincts de la bête humaine, Zola a toujours opposé les passions les plus élevées et les belles actions. Son œuvre, formidable épopée démocratique, rude comme le souffle, comme l’odeur qui s’exhale des agglomérations populeuses, n’est pas plus immorale que la vie et que la vérité, car elle est l’image de l’une et de l’autre.

Ce qui est immoral, ce ne sont pas les quelques gros mots répandus dans 25 000 pages – Rabelais en contient aussi et de plus nombreux, et Rabelais n’en est pas moins classique – 25 000 pages qui constituent une œuvre saine par ses tendances générales, exaltant le travail, l’effort sans cesse renouvelé, l’ambition de savoir toujours davantage, la libre expansion de toutes les facultés humaines, exhortant à vivre la vie tout entière et à utiliser jusqu’à sa souffrance. Ce qui est immoral, c’est ce que nous voyons bien souvent autour de nous, ce sont les iniquités sociales, c’est le mérite méconnu, c’est parfois le triomphe du vice, de l’erreur ou de la sottise, c’est la misère injuste… Ah ! certes, le mal existe, mais il faut le découvrir où il est vraiment, et non dans les œuvres d’art qui prétendent le châtier en le dénonçant.

Messieurs, un simple exposé de la morale de Zola répondra au reproche qui lui fut fait d’avoir méconnu l’idéal des hommes ou de l’avoir détruit pour ne laisser que des ruines.

Devant les progrès et les audaces de la pensée libre, un grand cri de protestation s’est élevé du fond des consciences troublées :

«Insensés, disent-ils, qui promettez aux hommes le bonheur dans la vérité tangible ! La science n’a-t-elle pas démontré son insuffisance ? Loin de nous donner la sérénité, elle a aggravé nos incertitudes et nos angoisses. Comme par le passé, comme aux temps les plus reculés de l’ignorance, devant nous se dressent l’inquiétude et l’épouvante de l’immense inconnu dont nous sommes enveloppés ; les mêmes problèmes demeurent, humiliant la raison impuissante. Les secrets que nous cache la nature sont autant de maux dont elle a voulu nous garantir. Arracher de ce monde les anciennes croyances serait l’ébranler jusqu’aux fondements, et ce serait aussi le déchaînement de tous les égoïsmes, de tous les appétits…»

Il ne m’appartient pas d’aborder une telle discussion. J’entends seulement montrer que Zola fut le contraire d’un sectaire. En effet, cette grande plainte, il l’entendit, il s’en fit même l’écho éloquent dans les dernières pages de Lourdes, où son abbé Pierre Froment, sentant chanceler sa foi, se demande cependant, ému d’une profonde pitié fraternelle, si la vérité n’est pas trop brutale, trop cruelle pour que la faible humanité puisse l’accepter sans désespérer. Un moment, il s’attendrit, il hésite, et le problème se pose devant lui : le monde peut-il se passer d’illusion ? Quelle ressource, quelle consolation restera-t-il contre les rigueurs et les injustices du sort ? Et il y a là des pages admirables où Zola comprenant l’héroïsme qu’il faut pour endurer la douleur de vivre sans l’espoir d’un au-delà réparateur, fut amené à concevoir une religion nouvelle qui s’accommoderait des conquêtes de la science, qui ferait à la terre une part plus large et ne serait pas un appétit de la mort.

Ce fut la pensée, l’ambition de Zola, que je n’approuve ni ne condamne, que je me borne à exposer, et c’est pourquoi toute son œuvre est un hymne magnifique à la vie, qui mérite d’être vécue pour elle même et qu’on ne se lasse pas de croire bonne.

Voilà le fondement de sa morale : n’ayons pas peur de la vie. «Ah ! la peur de la vie, s’écrie-t-il, la peur des charges et des devoirs, des ennuis et des catastrophes ! La peur de la vie qui fait, dans l’épouvante où l’on est de ses douleurs, que l’on refuse ses joies ! Cette lâcheté me soulève, je ne puis la pardonner. Il faut vivre, vivre tout entier, vivre toute la vie, et plutôt la souffrance, la souffrance seule que le renoncement à ce qu’on a de vivant et d’humain en soi !»

De vive voix, il nous donnait encore ce conseil : «Regardez toujours en avant, jamais en arrière». Sans doute voulait-il nous engager, non pas à renoncer au culte des morts, mais à ne pas trop nous laisser engourdir l’âme par la mélancolie des choses qui commencent à s’effacer dans le crépuscule grave de l’histoire et reporter constamment, et héroïquement, tout notre effort vers l’œuvre qui nous rappelle, réveille notre énergie, la volonté et le courage de produire encore.

Ayons les yeux fixés sur l’avenir où rayonne toujours une espérance, l’idéal lointain qui nous exhorte à lutter sans cesse et qui faisait dire à Renan avec une douce et profonde bonhomie : «Il y a tout de même avantage à passer sur notre planète le plus tard possible».

Bulletin de l'Association Émile Zola, 1910, p. 197-202.

 

* Il faut noter le style assez plat, pauvre en images, aux formules convenues et aux enchaînements banals… Paul Brulat n'a pas signé là un grand texte. M. R.

 

membres de l'Association Émile Zola 1909
membres de l'Association Émile Zola, en 1909

 

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Documents

 

lettre à Ajalbert 1929
Paul Brulat, lettre à Jean Ajalbert, 26 décembre 1929

 

Ajalbert Mystères Goncourt couv 1929

 

 

lettres autographes Paul Brulat
lettres autographes de Paul Brulat

 

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Images

 

Paul Brulat carte de visite
Paul Brulat, carte de visite

 

La Nymphomane couv
La Nymphomane, Paul Brulat

 

 

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28 mai 2017

Victor Hugo (1802-1885) : un écrivain et une conscience dans le siècle

Victor Hugo huit portraits

 

 

Victor Hugo (1802-1885) :

un écrivain et une conscience dans le siècle

 

* pour un travail avec une classe de Première en lycée

 

Victor Hugo politique en images
quelques étapes de Victor Hugo en politique

 

commentaire des images

Victor Hugo, immense écrivain français du XIXe siècle, s’est engagé en politique tout au long de sa vie. Mais son parcours a varié.

La première image nous le montre en pair de France, de 1845 à 1848. Sachant que c’était le roi Louis-Philippe qui l’avait nommé, on peut en déduire que Hugo était partisan de la monarchie. constitutionnelle.

La deuxième image nous montre l’écrivain inaugurant la plantation d’un arbre de la Liberté le 2 mars 1848. Cette tradition remonte à la Révolution française. L’événement a lieu quelques jours après la révolution de février 1848. Il témoigne donc d’une certaine approbation de Victor Hugo pour la révolution qui a proclamé la République le 25 février précédent.

Mais, élu député le 23 avril 1848, il siège parmi les conservateurs. En décembre 1848, il soutient la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte à l'élection présidentielle.

Élu à nouveau à l’Assemblée législative unique en mai 1849. Hugo intervient plusieurs fois à l’Assemblée (images 3 et 4).

Après le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, Hugo est recherché pour avoir critiqué l’acte du président de la République et s’exile volontairement le 9 janvier 1852 pour combattre librement celui qui devient Napoléon III fin 1852. Son exil dure 19 ans.

Le retour de Victor Hugo en France s’effectue en septembre 1870 après la chute de Napoléon III. Il est élu à l’Assemblée nationale en février 1871 mais en démissionne au bout d’un mois.

Il reprend une activité politique élective lorsque les républicains commencent à devenir dominants à partir de 1875. Il est élu sénateur de la Seine en 1876, réélu en 1882 (image 5).

À sa mort, devenu un symbole de l’idéal républicain, le gouvernement lui organise des funérailles nationales en 1885, suivies par deux millions de personnes (image 6).

Victor Hugo a donc évolué dans ses convictions politiques et ses engagements, passant d’un monarchisme libéral à un républicanisme affirmé.

 

l'expérience de tous les régimes politiques

Victor Hugo tableau
tableau à remplir en indiquant les régimes politiques, rois, empereur et présidents dans les cases de droite

 

 

Victor Hugo par lui-même

"Depuis l’âge où mon esprit l’entrevoit, et où j’ai commencé à prendre part aux transformations politiques ou aux fluctuations sociales de mon temps, voici les phases successives que ma conscience a traversées en avançant sans cesse et sans reculer un jour – je me rends cette justice – vers la lumière : 1818, royaliste ; 1824, royaliste libéral ; 1827, libéral ; 1828, libéral socialiste ; 1830, libéral, socialiste et démocrate ; 1849, libéral, socialiste, démocrate et républicain."
                                                                                                                   Actes et Paroles (1850)

 

 

Victor Hugo 1852  Victor Hugo Actes et paroles couv

 

Michel Renard
professeur d'histoire

 

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25 mai 2017

Gaston Strarbach (1881-1964), poète

Sao Tiampa couv (2)

 

 

 

Gaston Strarbach (1881-1964)

poète

 

 

Gaston Strarbach (1881-1964) est un poète et écrivain français. Auteur oublié de plus d'une dizaine de recueils poétiques, mais aussi d'études et de récits, son oeuvre est quasiment introuvable aujourd'hui à l'exception de Sao Tiampa, épouse laotienne.

Ce n'est pas un "grand" poète. Mais il est un témoin de l'amour de la langue qui pouvait animer un clerc de notaire de province au début du siècle précédent.
Par ailleurs, son roman Sao Tiampa, épouse laotienne (1912) résonne de nos controverses actuelles sur le "vivre-ensemble", même s'il s'agit là d'une colonie d'Asie.

 

Biographie 

Auguste Sylvain Gaston Strarbach est né le 16 décembre 1881 à Valay (Haute-Saône). Il est le fils de Jean Baptiste Auguste Strarbach, notaire à Valay, âgé de vingt-six ans ; et de Marie Joséphine Sylvie Grandjean, son épouse, âgée de vingt ans (1).

Il fait ses études à l'Institution Sainte-Marie à Besançon (2). Gaston Strarbach semble bénéficier d'une certaine considération parmi ses condisciples car ceux-ci le désignent comme major de promotion, en 1899, pour entretenir le lien entre leur génération et l'Association amicale des anciens élèves de l'institution (3). Il est reçu bachelier, section philosophie, en juillet 1899 (3).

 

institution Saint-Jean (1)
l'institution Saint-Jean a remplacé l'institution Sainte-Marie (1838-1903)
à Besançon, dans les mêmes bâtiments

 

institution Saint-Jean (2)
au fond, les bâtiments de l'ancienne institution Sainte-Marie
où Gaston Strarbach étudia jusqu'au baccalauréat

 

Au moment de son recensement, en 1901, il déclare qu'il est "homme de lettres", ce qui semble quelque peu présomptueux car il n'a encore rien publié de notable. Il est déclaré "bon" pour le service mais "dispensé" en tant qu'étudiant en droit (4).

Grâce à sa fiche de matricule militaire qui le domicilie à Dijon en 1901, on peut vraisemblablement supposer qu'il a effectué ses études de droit dans cette ville.

Le 14 novembre 1902, il part pour le 21e régiment d'Infanterie à Langres et est déclaré réformé pour cause d'astygmatisme miopique le 26 décembre de la même année (4).

 

Strarbach matricule militaire (1)
fiche matricule militaire de Gaston Strarbach

 

caserne Turenne cpa 1902    caserne Turenne 21e rgt Infanterie
caserne du 21 régiment d'Infanterie à Langres : Strarbach y séjourne quelques semaines fin 1902

 

En 1909, Gaston Strarbach est signalé comme critique et chroniqueur à La Presse Grayloise, hebdomadaire de l'arrondissement de Gray (5).

Au recensement de 1911, on repère la famille Strarbach résidant place Fénélon (ancienne place du Mont-Ruchot) à Valay. Gaston Strarbach y figure sous le prénom de Sylvain et avec la profession de clerc de notaire. Après ses études de droit, il a donc travaillé avec son père.

Ce qui est confirmé par le recensement de 1921 : Gaston apparaît comme "aide notaire" dont le patron est son père.

 

recensement 1911 famille Strarbach
la famille Strarbach au recensement de 1911 de la commune de Valay (Haute-Saône)

 

recensement 1921 famille Strarbach
la famille Strarbach au recensement de 1921 de la commune de Valay (Haute-Saône)

 

Valay Mont-Ruchot
Valay, place du Mont-Ruchot (devenue place Fénelon)

 

Valay place Fénelon
Valay, place Fénelon, où habite la famille Strarbach

Déclaré apte au service auxiliaire, il est rappelé à l'activité militaire et affecté au 21e régiment d'Infanterie de Langres en février 1915. Il passe alors dans la 24e section d'infirmiers militaires. Il est caporal le 7 août 1915, et sergent le 8 septembre 1916 (4).

En 1915, L'Intransigeant informe que Gaston Strarbach est infirmier major à l'hôpital temporaire n° 4, à Gray (Haute-Saône) (6). Il reste sous les drapeaux jusqu'au début mars 1919 (4).

Gray hôpital temporaire
Gray comptait plusieurs hôpitaux temporaires ; celui-ci est le n° 5

 

Le 25 janvier 1927, tout en habitant à Valay, il se marie à Saint-Mandé (actuel département du Val-de-Marne) avec Marie Madeleine Chamblant, née en 1892 (1) et (17). Il divorce le 26 novembre 1935, à Gray (Haute-Saône) (17).

En 1933, Gaston Strarbach habite à Paris, au 91 rue Monceau (VIIe arrondissement) (7). À la fin de sa vie, il revient dans son village natal de Valay.

Gaston Strarbach meurt à Valay (Haute-Saône) le 5 mars 1964, à l'âge de quatre-vingt-deux ans.

Il a appartenu et a présidé le groupe littéraire "La Jeune Comté", fondé à Besançon en 1909 par Marcel André (1891-1909).

 

acte naissance Strarbach
acte de naissance de Gaston Strarbach, 16 décembre 1881 (arch. dép. de la Haute-Saône)

 

 

L'œuvre littéraire

Pour l'essentiel, l'œuvre littéraire de Gaston Strarbach occupe un quart de siècle, de 1903 à 1928. Ses publications sont aujourd'hui presque inaccessibles. La BnF les conserve mais n'en propose aucune sur Gallica.

 

Le dernier Lied de Hans Romer  (1906)  

- Revue Moderne des arts et de la vie (10 avril 1908) : "L'aimable écrivain Gaston Strarbach donne à ses confrères un pieux exemple d'amitié en éditant à ses frais le Dernier Lied de Hans Romer, jeune poète allemand mort à Paris. M. Gaston Strarbach s'excuse en quelques mots de préface de donner une trop imparfaite traduction française de l'œuvre de son ami. Ce lied, ainsi traduit, nous semble les remarquables prémices d'un talent qui, hélas ! aurait î être grand" (8).

 

Sao Tiampa, épouse laotienne  (1912) 

- Gil Blas : "Sao Tiampa, épouse laotienne, tel est le titre du roman que M. Strarbach-Baudenne fait paraître chez Bernard Grasset. C'est une histoire d'amour dans le décor attrayant d'un pays peu connu : le Laos. L'auteur y dépeint la petite Sao Tiampa, la reine des boun [fête]. Mais de même que les légendes sacrées et les ruines des vieux temples asiatiques gardent leur mystère, la p'hu sao [jeune fille non mariée] ne livre pas son secret.
Le roman oppose notre civilisation aux coutumes rustiques des indgènes. Il soulève parfois les plus complexes problèmes de la vie et de l'administration coloniale" (9).

- L'Intransigeant : "Que de romans l'on a commis en votre nom, Pierre Loti ! Celui-ci se passe au Laos, il est farci de termes et de phrases laotiennes (sans doute pour la couleur locale), mais n'est point déplaisant.
Vébaud épouse Tiampa pour mieux connaître les mœurs du pays qu'il habite. Un autre aurait lu les romans de M. Ajalbert. Enfin... Vébaud, d'ailleurs, est trompé par sa femme laotienne comme il l'eût été en France. Ce sont toujours les mêmes qui se font tuer, a-t-on dit.
Vébaud quittera Tiampa, réfléchissant qu'il est impossible aux gens des différentes races de se comprendre (thème connu), mais pas avant que son ex-épouse lui ait fait tenir une lettre lettre d'adieu, écrite, semble-t-il, par une poétesse moderne qui s'essayerait à la psychologie" (10).

- Gaston de Pawlowski dans Comœdia :"Le jeune Lionet Vébaud, enthousiasmé par les récits d'un sien cousin qui avait fait la campagne du Tonkin, résolut d'entrer à l'école coloniale, où il fit des études très sérieuses. Nommé résident au Laos, après avoir remonté le Mékong, il s'installa dans sa sala, sorte de cahute montée sur pilotis, où le village vint lui rendre les honneurs. Il remarqua tout aussitôt une jeune laotienne et en devint éperdument amoureux. Il confia sa passion à son domestique, et, une heure plus tard, tout le village, enchanté, conduisait processionnellement sa petite reine, Sao Tiampa (Madame Fleur de Frangipanier), vers le Français qui l'honorait de son choix et qui, sans hésitation, promit de verser les cent piastres que réclamait la mère.
Vébaud s'éprit follement de cette fille d'Asie. Il devint sa chose. Quant à Sao-Tiampa, elle se montrait fougueuse, lascive, et engendrait le désordre autour d'elle. Vébaud, mis en garde par les conseils d'un collègue, surprit un jour une conversation entre deux de ses compatriotes. Il apprit ainsi que la belle Tiampa le trompait avec n'importe qui, même avec ses boys. Vébaud, au désespoir, demanda un congé et l'obtint, et, peu après, il abandonna Tiampa, qui se traîna à ses genoux en lui disant : «Vous étiez triste, plus triste que la lande assoiffée sous la brûlure du soleil blanc. Jeune, vous me faisiez l'effet d'être veux et maussade. Croyez-moi, sans le vouloir, vous m'avez oppressée»" (11).

- Le Journal : "Le Mariage de Loti et les Petites épouses [Myriam Harry, 1902] montraient déjà que les unions réalisées sous d'autres climats entre Européens et indigènes sont cruellement imparfaites. Ces petites femmes jaunes ou noires, Jocondes de la brousse, nymphes bronzées, demeurent énigmatiques. Ce sont des ennemies soumises ; et malheur à celui qui leur accorde plus d'attachement qu'il ne convient. M. Strarbach-Baudenne nous répète ces tristes histoires d'Européens déçus. Et il n'a pas laissé échapper une occasion de nous décrire une fête, une cérémonie, une scène de mœurs, avec un louable souci de documentation" (12).

Sao Tiampa couv (2)

 

Jongleries pour des belles de keepsake  (1924)

"C'est un aimable recueil de sonnets «libertins», c'est-à-dire irréguliers. Mais leur irrégularité est voulue et combinée pour produire d'heureux effets de surprise et de variété. Véritable jeu d'adresse et jonglerie poétique qui ne saurait nous déplaire : il y a donc encore des poètes qui se piquent d'être adroits ? Ajoutons que la fantaisie prosodique et la fantaisie vont ici de pair fort heureusement, et qu'en de petits poèmes d'une forme à la fois espiègle et précise, apparaissent les visages des belles de keepsake finement dessinés" (13).

* keepsake

 

Les Perles mortes  (1928)

"Poésie parfois amoureuse, le plus souvent descriptive, sans surprise mais non sans saveur :
La beauté me commande et la laideur m'irrite
On ne remonte pas un destin avéré.
Phalène chaque soir par la lampe attiré,
Je renouvelle Faust auprès de Marguerite.
Mais cette citation suffira-t-elle à marquer à la fois l'accent et les limites d'un art et d'une sensibilité ?" (14)

 

L'Ombre fervente couv    Les Perles mortes couv

 

Publications

  • Heures grises, heures roses, Gray, 1903.
  • L'Amour ne suffit pas, fantaisie rythmée en 1 acte et 2 tableaux, C. Amat, 1904.
  • Les Fleurs qui passent, 16 compositions de Charles Ducat, C. Amat, 1904.
  • Le Dernier Lied de Hans Romer, Gray, 1906.
  • La Belle aux cheveux d'or, roman, éditions de la "Femme contemporaine", 1907.
  • L'Ivresse des heures, Gray, 1910
  • Vers et calvaires, avec une prose de Henry Cormeau, 1904-1907, Gray, 1910.
  • Les Jeunes Poètes comtois, textes choisis, accompagnés de notices biographiques et bibliographiques (avec Léon Roy, Marc Liovet, Léon Monnier et Maurice Mérillot).
  • Le Portrait de Colombine, pantomime rimée en 1 acte (avec Louis Perrey), E. Figuière, 1911.
  • La Ruée, moeurs contemporaines, E. Figuière, 1912.
  • Sao Tiampa épouse laotienne, avec Antonin Baudenne, Paris, Grasset, 1912 (rééd. Kailash, 1997).
  • Le Temple abandonné, 1907-1910, E. Figuière, 1912.
  • La Revanche de Pierrot, comédie en 1 acte, en vers, E. Figuière, 1913.
  • L'Ombre fervente, G. Crès, 1921.
  • "Étude sur André Foulon de Vaux", Revue Contemporaine, avril 1921.
  • Jongleries pour des belles de keepsake, les Gémeaux, 1924.
  • Petit Chou, 1924.
  • Les Perles mortes, poèmes, 1913-1923, éd. Picard, 1928.
  • Nouvelles jongleries pour des belles de keepsake, avec un sonnet de Charles Grandmougin, les Gémeaux, 1949.
  • Les Perles mortes, 1928.
  • La Soif et les Mirages, date ?

 

Sao Tiampa couv (1)

 

 

 

Bibliographie

O. Chevalier, Un poète des Gaudes : Gaston Strarbach (1881-1964), Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, 1980 (?).

 

Poèmes

sonnet

À ma sœur lointaine

Dans la cité mortelle au cœur de l'exilé
Elle va son chemin sans détourner la tête,
Et lorsque son regard sur quelque objet s'arrête,
Il semble qu'il y mette un reflet de beauté.

Mais son front plus souvent de dégoût s'est voilé :
Car chaque jour révèle à son âme inquiète
Les hideurs de la foule et ses gestes de bête.
Sa débauche grossière et sa fausse gaieté.

L'Helvétienne soupire après le temps béni
Qui lui rendra la paix de ses chères vallées
Et le poème alpestre aux blancheurs d'azalées.

Je rêve de candeurs, ainsi que toi, Lùggi :
Mais en vain, comme toi, j'évoque à la fenêtre
Un pays de chimère où l'honneur serait maître !

Gaston Strarbach (15)

 

sonnet

Madame, il m'en souvient — était-ce l'Opéra? —
Ce soir mettait en vous sa tristesse royale
Et du Tannhauser la marche triomphale.
Ne parvenait pas à dissiper cet air las.

Non loin de vous, dans l'ombre, écoutant le fracas
Harmonieux, je vis qu'une main géniale.
Coquette, avait au coin de votre tempe pâle
Parmi vos cheveux bruns fait neiger les frimas.

Si belle vous étiez, que tout votre entourage
Disparaissait devant la résurrection
Mystérieuse en vous des beautés d'un autre âge.

Et qu'il me sembla voir, raillant ce siècle ladre,
Sur le velours grenat de la loge pour fond
Un pastel de Latour descendu de son cadre

Gaston Strarbach (15)

 

sonnet

L'onde des baisers

Baisers légers et pourtant vastes,
Baisers de père ou bien de sœur
Qui montez aux lèvres du cœur,
Volez, volez sur les fronts chastes !

Baisers guettés aux nuques frêles,
Baisers furtifs, baisers ardents,
Très ingénus ou provoquants,
Volez, volez à tire d'ailes !

Baisers d'un soir des vierges folles,
Fleurs de luxure et fleurs de chair,
Dans les parfums, dans le ciel clair,
Volez, volez en farandoles !

Baisers pillés aux ondes rousses,
Ô vous qu'un doux rêve enfanta,
Baisers d'amour et de Judas,
Volez, volez en plaintes douces !

Baisers hideux quêtés aux bouges
Parmi le vin et ses hoquets.
Envolez-vous, et qu'à jamais
Disparaissent vos spectres rouges !

Et vous, baisers aux lèvres closes
Des êtres qui nous furent chers
Baisers d'âmes et non de chairs,
Volez vers les métempsychoses !

Gaston Strarbach (15)

 

La Pendule Louis-Seize

à Albert Hennequin

C'est le temps désuet, un rien maniéré,
Des Trianons et des jardins à la française
Que fait revivre la pendule Louis-Seize
Toute de marbre clair et de bronze doré

Sur ses frêles piliers et son socle carré,
La belle Sylvanire à la bouche de fraise
Tend la main à Léandre amoureux qui la baise
Et prolonge à dessein ce geste désiré.

Lesté du poids jumeau de piles de mercure,
Le balancier, très fier d'être "compensateur"
Soucieux à l'excès d'une conscience pure,

Maudit le seul tyran qu'on ne peut déposer
Et redouble un tic tac aux savantes lenteurs
Pour qu'on n'entende point le bruit de ce baiser.

Gaston Strarbach
La Brise, littérature, art, histoire
Brive, janvier 1913, p. 260.

 

 

________________ 

 

Notes

1 - Registre d'état civil de la commune de Valay, archives départementales de la Haute-Saône.

2 - L'institution Sainte-Marie fut créée en 1838 par l'abbé Denizot les Frères de Marie. En 1840, elle s'installa au n° 4 de la place Saint-Jean (actuel square Castan, nommé ainsi en 1898). Elle dut quitter les lieux en 1903 quand les marianistes furent interdits d'enseigner. C'est l'institution Saint-Jean qui occupa alors les locaux du square Castan. En 1981, ces bâtiments furent acquis par le conseil régional de France-Comté.
Cf. "L’Institution Saint-Jean : un peu d’histoire", Les Anciens de Saint Jean-Notre Dame (Besançon).

3 - Cf. Notes et souvenirs, Institution Sainte-Marie de Besançon, éd. Bossanne, Besançon, 1899.

4 - Registre matricule militaire, archives départementales de la Haute-Saône.

5 - Cf. Annuaire de la presse française et étrangère et du monde politique, 1909, p. 230.

6 -  Cf. L'Intransigeant, 7 mai 1915.

7 - Cf. Annuaire général des lettres, 1933, p. 1157.

8 - Revue Moderne des arts et de la vie, 10 avril 1908.

9 - L'Intransigeant, 24 septembre 1912.

10 - Gil Blas, 8 septembre 1912.

11 - Gaston de Pawlowski, Comœdia, 15 décembre 1912.

12 - Cf. Le Journal, 7 janvier 1913.

13 - Nos poètes : revue mensuelle illustrée, directeur Maxime Formont, 15 janvier 1925.

14 - L'Intransigeant, 17 août 1929.

15 - Bulletin de la Société grayloise d'émulation, imprimerie et lithograpghie de Gilbert Roux, Gary, 1905.

17 - Mention marginale de l'acte de mariage, registre d'état civil de Saint-Mandé (25 janvier 1927).

 

________________

 

Documents

 

institution Saint-Jean (3)
la chapelle de l'Institution Sainte-Marie (devenue Saint-Jean), à Besançon

 

place Saint-Jean recensement 1896
extrait du recensement de 1896 à Besançon : au n° 4 de la place Saint-Jean, l'établissement de Sainte-Marie

 

Strarbach monument Valay

 

Michel Renard
professeur d'histoire

 

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22 mai 2017

La Jeunesse de Théophile, de Marcel Jouhandeau

La_jeunesse_Théophile,_Marcel_Jouhandeau,_1921,_couv

 

 

La Jeunesse de Théophile,

de Marcel Jouhandeau

 

 

Je reprends la matière d'un article que j'ai créé pour une encyclopédie en ligne.

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Jouhandeau portrait 1921

 

La Jeunesse de Théophile est un roman (1) de Marcel Jouhandeau (1888-1979) publié à la NRF en 1921.

 

ci-contre, Jouhandeau en 1921 :
Les Annales politiques et littéraires,
27 novembre 1921

Titre et avant-propos

Le titre complet est La Jeunesse de Théophile. Histoire ironique et mystique. Un avant-propos de l'écrivain Paul Morand figure dans l'édition de 1948 ; il s'agit de la reprise d'un article paru dans La Nouvelle Revue française le 1er septembre 1921.

Résumé

La Jeunesse de Théophile est l'hallucinante initiation religieuse et mystique (à travers trois étapes : les idoles - la raison - la perfection) d'un jeune garçon dont on ne sait s'il l'a vécue ou en partie rêvée (2). Marcel Jouhandeau évoque le monde des croyances et des traditions d'avant 1914, leur effusion onirique dans l'esprit d'un enfant d'une bourgade ruralo-bourgeoise de la Creuse (Guéret)... ou de nulle part. Car la trame du récit touche à l'universel : comment aimer Dieu (Théo-phile) tout en côtoyant l'hypocrisie des dévots, mais aussi la tentation et le péché ?

 

Guéret place du Marché, Jouhandeau
Guéret, la place du marché, que de fois traversée
par Jouhandeau dans sa jeunesse

 

Personnages

La famille
  • Théophile Brinchanteau.
  • Papa et maman Brinchanteau : parents de Théophile ; le père est boucher, la mère (Marie) a voulu être religieuse ; peu mentionnés.
  • Balsamine : jeune sœur de Théophile ; apparaît peu (p. 4, 40, 88, 122, 137, 142, 146-147, 156, 215).
  • Tante Ursule : tante maternelle de Théophile, choisit son prénom et s'occupe de lui ; sa mort (p. 61-66).
  • Rose : nourrice du petit Théophile.
  • Grand-mère Briochet : mère de maman Brinchanteau et de tante Ursule ; ancienne boulangère ; sa mort (p. 156-158).
  • Oncle Briochet : frère de la mère de Théophile et de tante Ursule (p. 55).
Les êtres singuliers
  • Madame de Quincanmille : douairière (p. 48-49).
  • « L'Idiot » : adolescent qui court les rues (p. 85-86).
  • Madame Verneuil : simple paysanne qui ne se soucie pas du jugement des autres (p. 86).
  • Le père Nadeau : petit vieux de soixante ans qui n'entre dans la ville qu'à la nuit et rassemble « des extrémités du monde tous les fantômes de son imagination » (p. 87).
  • Mademoiselle Marie Duranton qui promène sa mère surnommée « la Chèvre » (p. 89).
  • La femme du plombier : « énorme, elle était plus qu'un être encore humain » (p. 133).
  • Madame de Villemirail (p. 171-173).
  • La marquise des Ursins (p. 174-175).
Les amis
  • Félix : un camarade « vulgaire » de Théophile (p. 73).
  • Théodule : ami de Théophile (p. 111).
Les initiatrices
  • Tante Ursule (p. 15-75).
  • Jeanne, ancienne carmélite (p. 79-164).
  • Madame Alban (p. 167-230).

 

Marcel Jouhandeau, années 1930 jpg
Marcel Jouhandeau, années 1930 (source)

 

Écriture

Composition

Le livre comprend trois parties d'importance à peu près égale (60, 86 et 63 pages), dominées par la figure d'une femme :

  • "Tante Ursule ou l'âge des idoles" ;
  • "Jeanne ou l'âge de raison" ;
  • "Madame Alban ou l'âge de la Perfection".

Chacune des trois parties est composée de nombreux chapitres, respectivement : 43, 43 et 4, ce dernier comprenant 39 articles numérotés en chiffres romains. Ils sont parfois très courts. Cette fragmentation extrême permet de rendre compte du rapport segmenté au temps de l'enfance dans ce que l'écrivain présente comme le propre regard de l'enfant : impressions fugaces, incompréhensions soudainement levées, passage rapide d'une préoccupation à une autre.

Les titres des chapitres relèvent de deux thématiques :

  • profane : lieux, événements, personnages, objets ;
  • religieuse : "le missel", "le tombeau du martyr", "Messe de minuit", "mariage mystique", "Tu délaisseras ton père et ta mère", "Dieu", "la semaine sainte", "le jeudi saint", "Vendredi saint".
Style

Les phrases sont souvent courtes mais s'allongent dans le cours du livre. Les descriptions sont économes d'adjectifs, le rythme rapide et élégant. Les scansions alternent le narratif et le poétique. Le vocabulaire est riche et pourvoit à la rêverie mystique :

« À l'approche de la nuit, certain soir [Jeanne et Théophile] entrèrent dans le cœur du bois et furent par la grande conversation des arbres conduits jusqu'aux arcanes de la Vie. Théophile s'abandonnait à éprouver cette mauvaise conscience de la nature qu'est une forêt.
La cathédrale de Satan soulevait autour de l'homme-jeune ses portiques, ses arceaux, ses flèches, ses fûts de colonnes gigantesques, ses verrières d'or sur azur. Théophile songeait à la multitude des adorations qui se cachent dans une forêt pour êtres impies. L'attouchement empoisonné de l'herbe digitale comme d'un gant violet sur son mollet nu, l'incantation nombreuse des insectes autour de son front le troublaient. Mille pattes velues, hagardes et toutes les bouches des êtres le sollicitaient sous une seule feuille d'acacia. Il était sensible aux mondes très anciens que chacun de ses pas détruisait. Les deux pieds de Théophile reposaient sur une hécatombe d'astres comptés par Dieu et peuplés de mauvais esprits (3). »

La syntaxe manifeste un grand style qui atteint parfois une part d'énigmaticité (4) : "Des bouleaux d'argent et des thuyas-cyprès autour d'un cèdre, quelques saules pleureurs s'y pressaient autour d'une vasque de marbre, où semblait dormir, - au fond de la source, couronnée de nénuphars languissants, l'âme immémoriale de la solitude" (p. 201).

La férocité de certaines descriptions sociales - développées plus tard par l'auteur (Chaminadour) - est déjà présente dans La jeunesse de Théophile. Elle n'est pas subordonnée à un naturalisme même pessimiste, plutôt à un "réalisme magique" (5) voire à un "réalisme mystique" (6).

« Dans la campagne, autour de la ville, - clairsemés, - les villages ressemblaient, affublés de noms bizarres, à des bêtes farouches, assises sur le bord du chemin pour vous voir passer et peut-être vous faire du mal.
Une cour nombreuse y régnait sous le manteau d'un maître inconnu. Des esprits en sortaient régulièrement pour s'en aller par les landes errer avec des troupeaux, devant lesquels il était prudent de fuir. Quelques-uns de ces esprits cachaient des haines, comme des monstres douloureux.
Le monstre qu'on avait vu du haut des remparts enfoui dans l'herbe en enfantait mille autres à son image. Un paysan qui ressemblait à son chien et à ses bœufs, blouse ocre, épaisse comme du cuir, moustache «rouge», poil fauve pendant jusque sur ses sabots, - méditait, en égrenant un chapelet maudit, de brûler la maison de son frère. On disait ces contes d'incendiaires fantastiques la nuit à Théophile, quand la cloche et le clairon l'éveillaient pensif au cœur de l'Enfer (7). »

 

Rue des Pommes à Guéret
boucherie Jouhandeau, rue des Pommes, à Guéret

 

Analyse

Le genre littéraire de La Jeunesse de Théophile s'apparente à l'autopsychographie (8). Une autobiographie traversée par le questionnement mystique et le sens du péché, dans le monde à la fois émerveillé et angoissé de l'enfance. Claude Mauriac qualifie Jouhandeau "d'homme hanté de Dieu" (9).

Mais tout l'univers de l'enfant est hanté de Dieu. Pour André Blanchet, "La Jeunesse de Théophile nous apprend que son auteur fut un premier communiant ébloui pour toujours par l'or des chasubles, des chapes, de l'ostensoir. Toutes les maisons du village se nichaient comme autant d'absidioles au sein d'une cathédrale énorme dont l'église était le tabernacle. Rien n'échappait au sacré. Au-dessus du lit, le crucifix jugeait les actes et jusqu'aux pensées de l'enfant. Sortait-il dans la rue, il croyait entendre l'Éternel appeler chacun par son nom, et chacun répondait «Présent !» Puisque tout déjà était patent au regard de Dieu, l'indiscrétion était impossible" (10).

Le rapport du personnage à Dieu est inscrit dans son prénom : théo-phile = celui qui aime Dieu. Dans son initiation religieuse, celles qui ambitionnent servir de guides à Théophile sont trois femmes.

Tante Ursule

Elle conduit Théophile dans les églises, et les cimetières. Il y découvre les idoles : les statues, les surplis des prêtres en procession avec l'ostensoir (p. 21).

  • Dans un couvent, il entend parler du Bien et du Mal ("deux personnes qu'il n'avait jamais vues") et il répond "oui" à la Supérieure qui lui dit : "Tu seras prêtre, Théophile ?" (p. 24-25). Mais Théophile n'aime pas Dieu car le sens qu'il donne à ce mot est encore borné : "Quand Tante Ursule me dit qu'elle m'aime, c'est qu'elle se dispose à m'ennuyer" (p. 50). Il s'inquiète de l'approche de sa première communion : "Et pourquoi communierais-je, si je n'aime pas Dieu ?" (p. 50).
  • Mais sa première confession à l'aumônier ("Mon père, je n'aime pas Dieu", p. 51) le sauve : "Tu es un vrai chrétien, mon Théo. Il n'y a avait que toi ici pour ce scrupule. Il n'y a que toi dans cette paroisse, crois-moi, qui aimes Dieu et le comprennes. Tante Ursule l'aime moins que tu ne l'aimes et tu le comprends mieux que je ne le connais" (p. 51-52). Théophile devient donc, "sur son prie-Dieu de velours brodé (...) le premier Amant de Dieu" (p. 52).
Jeanne sœur Marie des Anges

La rencontre avec ce personnage est totalement onirique : "Le soir du jour de Félix, Dieu envoya vers Théophile sept jeunes filles pour parfumer son âme et qui le garderaient du premier venu, pendant tout le temps de l'adolescence" (p. 93). Elles le conduisent vers Jeanne, ancienne religieuse carmélite : "Théophile entrait dans un monde nouveau. Rêvait-il ? Cette femme avait revêtu devant lui les grâces étranges des princesses d'autrefois. Le luxe et les délicatesses de son âme désemparaient Théophile (p. 95) (11).

  • Cette partie consacrée au temps passé avec Jeanne est riche en métaphores vétéro ("Tu délaisseras ton père et ta mère") et néo-testamentaires, telle la Montagne (Thabor), les tentations (celle de l'amitié, par exemple), la Semaine Sainte, le lavement des pieds, etc. Mais elle ne présente pas d'unité narrative : les chapitres qui font intervenir Jeanne semblent appartenir au mythe et sont entrecoupés de passages plus prosaïques. Le personnage de Jeanne est ambigu, s'offrant comme intercession vers le mystère divin et mais également comme être de désir : "Jeanne aimait Théophile chaque jour davantage, au détriment de Dieu, et Théophile, découvrant chaque jour davantage en lui-même émerveillé Dieu escorté, oubliant Jeanne pour son Dieu" (p.104).
  • La dernière apparition de Jeanne la mentionne errant dans le cimetière et s'effaçant pour laisser seul Théophile (p. 163). Celui-ci passe alors de la vision réelle d'une très ancienne statue du Christ au somment d'un mur triste à une extase entièrement mystique : "Toute la nature se résumait au centre du mur gris dans le rayonnement de la Blancheur sainte. De loin, c'était à la vision synthétique du Père qu'on participait, on n'apercevait ni les bêtes ni les herbes, ni les dix mille poussières étincelantes et vivantes, on n'apercevait pas la Nature qui est une infime part de la réalité, on n'apercevait plus que la Nature, on n'apercevait que le christ, on apercevait le Règne de la Grâce, où le règne de la Nature, qui est lui-même une infinité de règnes, - est inscrit. Le Père ne voit que le Christ et dans le Christ la Nature toute et chacun des êtres. La terre verdoie. Théophile éprouve une joie divine, agenouillé, ses deux mains brûlantes sur le gazon" (p. 163-164). Le garçon semble enfin parvenu à l'ultime perception des Mystères, mais la science lui fait encore défaut.
Madame Alban

C'est une "dame du meilleur monde" (p. 177) qui aborde Théophile en pleine église, une veille d'Ascension, et lui propose de visiter sa bibliothèque riche d'auteurs mystiques et de philosophes. Elle le reçoit peu après et lui dit : "Jeanne vous aime plus que Dieu. Où est votre souci de la Perfection ?" (p. 79).

  • Jouhandeau semble s'amuser dans cette partie, moins dense religieusement que la précédente. La Perfection est aussi le nom qu'il donne à madame Alban raillant son égoïsme, sa jalousie et ses acrimonies : "Vint le jour où Madame Alban se fâcha des assiduités de Théophile auprès de Placard : «Est-ce la philosophie ou l'abbé qu'il me préfère ?» se demanda-t-elle anxieusement" (p. 194).
  • Madame Alban considère Théophile comme son disciple sur lequel elle exerce un ascendant véritable. Elle entreprend de l'isoler progressivement de tout lien familial et social ("Théophile concevait que, malgré l'apparence, il n'y avait plus désormais aucun rapport véritable entre lui et la société humaine", p. 188), de tout rapport avec l'extérieur ("Il faut que vous haïssiez l'attitude du promeneur. L'homme qui se promène est content de soi, jouit de soi, de l'espace et du temps, comme s'il disposait de l'un et de l'autre (...). Se promener, c'est marcher dans le vide ; marché dans le vide, c'est commencer à choir", p. 202-203), de tout tête-à-tête avec lui-même ("Cette vie intérieure de Théophile faisait du tort à Madame Alban", p. 188).
  • le dessein de Madame Alban pour Théophile relève de l'emprise totale. Elle présente habilement comme un accès suprême à l'abandon de soi en Dieu : "L'union d'âmes est un mystère de plus, disait-elle. Dieu s'apprend à ne pas distinguer les mérites ni les fautes de deux êtres. Leur union, leur unité est dans le regard de Dieu. Il ne faut pas qu'il y ait de secret entre nous. Vous me direz tout le mal que vous voyez en moi et tout le bien que vous pourriez me dissimuler en vous. Nous en sommes venus à ces confins de l'amitié où il ne peut plus y avoir d'humilité ni d'orgueil pour l'un de nous deux en face de l'autre" (p. 185).
  • Mais Théophile découvre l'exclusivisme de Madame Alban à son égard : "Choisissez, Théophile. Monsieur l'Aumônier vous l'ordonne (...) Le sacerdoce ou moi" (p. 222). Se sentant délivré, il finit par la quitter. "Il se mit à courir vers ceux qui l'attendaient, tandis que Madame Perfection se retirait déjà très loin au fond de son souvenir. Les étrangers l'avaient trouvée roide sur le perron derrière lui. Ils l'emportèrent dans une grande maison où il n'y avait personne, avant de refermer sur elle deux grandes portes grises, comme de vieil argent" (p. 230). Cette dernière image renvoie à un passage de l'Ecclésiaste (Ancien Testament) : "...où les deux battants de la porte se ferment sur la rue quand s'abaisse le bruit de la meule, où l'on se lève au chant de l'oiseau, où s'affaiblissent toutes les filles du chant" (12).

 

La Jeunesse de Théophile couv

 

Critique

La publication de La Jeunesse de Théophile a suscité des réactions différentes. Celles-ci ont surtout concerné l'aspect technique du roman sans pénétrer le subtil composé d'ironie et de mystique comme l'indiquait pourtant le sous-titre de l'œuvre.

  • Paul Morand rend compte de La Jeunesse de Théophile dès sa parution, sans guère se prononcer sur le fond : "Le livre de Marcel Jouhandeau parcourt toute une gamme, depuis les sains et crus bariolages du début jusqu'aux nuances les plus faisandées. L'auteur s'y meut avec aisance, bien qu'il penche par instants vers une préciosité d'images qui, appliquées à des scènes de vie simple, produisent toujours un douloureux effet. Mais son délicieux livre, d'un mérite certain, doit être choisi, lu et agréé." (13)
  • Dans l'Humanité du 4 décembre 1921, Marcel Martinet livre une critique plus informée : "On a trop peu parlé de ce livre, paru depuis plusieurs mois déjà. C'est un livre remarquable, et l'auteur est quelqu'un. Théophile est un enfant de petite bourgeoisie commerçante de province : à la fois n'importe quel enfant, et un être singulier, refermé sur lui-même et s'y cachant d'âpres extases ; cet aspect étrange s'accentue en raison du milieu clérical où il vit et où il est la proie d'une curieuse matrone érotico-mystique. La valeur et l'intérêt de l'ouvrage, qualités et défauts, viennent d'une grande harmonie entre le sujet et la manière dont il est traité : construction pour ainsi dire algébrique et analyse minutieuse du détail, correspondant à l'ardeur sèche et défiante de cette âme d'enfant ; parfois une sorte d'effusion contrainte et des ébauches de sourires pincés ; le style est pareillement surveillé, et comme dessiné et colorié avec une précision d'enlumineur". (14)
  • André Thérive formule plusieurs objections relatives au style mais aussi au contour du personnage : "Marcel Jouhandeau (...) a de l'esprit et le souci de la singularité, sans parler de son observance scrupuleuse de cette mode qui exige une sobriété précieuse et elliptique, des juxtapositions de phrases menues, à la syntaxe pauvre. La Jeunesse de Théophile serait peut-être un livre agréable si précisément cette mode n'y régnait avec despotisme, servie par une affectation qu'il est permis de trouver juvénile." Quant à la figure de Théophile, André Thérive l'estime trop énigmatique, sinon fantomatique : "Cette œuvre, qui a pour sujet une vie d'enfant et de jeune homme, contient du reste mille jolis détails, sans une seule ligne générale : telle est l'effet du propos de l'auteur. Il n'y a au cours du récit qu'impressions curieuses, sensations fugitives, et tous les modes de la passivité ; mais d'âme nullement. (...) En l'espèce, il y a un petit roman véritable dans l'histoire incohérente de Théophile : ce sont ses amours de jeune clerc avec une certaine Mme Alban, quinquagénaire hydropique et mystique : or nous n'y comprenons guère davantage qu'à ses aventures de bébé, lesquelles au moins n'ont pas besoin d'être comprises. C'est que le personnage n'existe pas en tant qu'homme, ni ceux qui gravitent autour de lui. Je défie qu'on trouve dans cette histoire, à demi polissonne, le moindre sentiment naturel, le moindre conflit de passions et de scrupules (...)". (15)
  • En 1937, Pierre Vacquin (1902-1958) estime que toute l'œuvre de Jouhandeau procède des premières lignes de La Jeunesse de Théophile : "S'il est vrai que les sensations premières dont s'imprègne l'esprit de l'enfant marquent profondément l'homme pour la vie entière et d'autant plus profondément que son appareil sensoriel est plus perfectionné donc plus délicat, toute l'œuvre de Marcel Jouhandeau est issue de ces quelques lignes où nous trouvons la source de ce climat particulier, qui unit La Jeunesse de Théophile à son dernier livre Le Saladier d'un lien subtil, ténu comme un fil de lune, permanent dans ses méandres et ses propres différences et qui nous permet de suivre à la trace les manifestations de son incontestable, bien qu'inquiétant, génie". (16)

 

Éditions

La Jeunesse de Théophile a connu de nombreuses éditions depuis 1921 (au moins quatre cette année-là). En 1948, Gallimard ressort le titre en indiquant qu'il s'agit de la 5e édition. (17) En 1998, il est accueilli dans la collection L'Imaginaire.

 

Bibliographie

 

En ligne

 

Michel Renard
professeur d'histoire

 

Notes

1 - Jouhandeau refusait la notion de roman, il se disait "chroniqueur", attaché à "la réalité, à la vie telle qu'elle se présente devant moi". Cf. "Les Jouhandeau", émission de la Radio Télévision suisse romande, 17 janvier 1963 ; réalisateur : Maurice Huelin [archive].
2 - Cette imbrication n'est pas réservée à La Jeunesse de Théophile : «L'oœuvre fictionnelle de Marcel Jouhandeau est marquée par une ambiguïté essentielle, consistant en l'effacement des frontières entre fiction et réalité, entre imagination et fait réel», Geert Missotten, «L'écriture et la vie dans l'instant : Marcel Jouhandeau et Don Giovanni», Revue belge de philologie et d'histoire, 1998, vol. 3,  n° 76, p. 745.
3 - La Jeunesse de Théophile, éd. L'Imaginaire/Gallimard, 1998, p. 100.
4 - Sur la notion d'énigmaticité, cf. Jean Bessière, L'énigmaticité de la littérature - Pour une anatomie de la fiction au XXe siècle, 1993.
5 - Jacques Ruffié, "Jouhandeau et les mythes", Sur Marcel Jouhandeau. Analyses littéraires, témoignages, anecdotes, Presses universitaires de Limoges, 1992, p. 106.
6 - Edmond Jaloux, "L'évolution du roman français", dans Prévost (J.), éd., Problèmes du roman, Lyon, Confluences, 1943, p. 25-35.
7 - La Jeunesse de Théophile, éd. L'Imaginaire/Gallimard, 1998, p. 79.
8 - Jean Gaulmier, "Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, 1975", Revue d'histoire littéraire de la France, novembre 1977, p. 1041.
9 - Claude Mauriac, "Algèbre des valeurs morales par Marcel Jouhandeau", La Revue hebdomadaire : romans, histoire, voyages, novembre 1935, p. 112.
10 - André Blanchet (1899-1973), "L'imposteur ou l'apothéose de Marcel Jouhandeau", Études, revue jésuite, juillet 1950, p. 91.
11 - Théophile est alors âgé de onze ans (p. 99).
12 - Jacques Ruffié, "Jouhandeau et les mythes", Sur Marcel Jouhandeau. Analyses littéraires, témoignages, anecdotes, Presses universitaires de Limoges, 1992, p. 97.
13 - La Nouvelle Revue française, 1er septembre 1921, p. 357-358.
14 - Marcel Martinet, "La vie intellectuelle. Les livres", L'Humanité, 4 décembre 1921.

15 - André Thérive, La Revue critique des idées et des livres, octobre 1921, t. 33, n° 193, p. 164-175.
16 - Pierre Vacquin, La Renaissance de l'art français et des industries de luxe, janvier 1937, p. 57.
17 - http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32291005t.

 

 

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21 mai 2017

Albert Hennequin (1884-1967)

Albert Hennequin, portrait (1)
Albert Hennequin, avant 1910

 

 

Albert Hennequin

poète et critique littéraire

1884-1967

 

 

Je reprends - et complète - la matière d'un article que j'ai créé pour une encyclopédie en ligne.

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Albert Hennequin ou Albert-F. Hennequin (1884-1967) est un poète et critique littéraire français.

 

Biographie

Fernand Marie Albert Hennequin est né le 18 mai 1884 à Poitiers.

Il a pour père Louis Narcisse Hennequin, âgé de trente-et-un ans à la naissance de son fils, adjudant au 33e régiment d'Artillerie à Poitiers ; et pour mère Célestine Bert, âgée de dix-neuf ans (1).

Lycée à Poitiers. Étudiant en lettres, en 1904 (2).

Appartenant à la classe 1904, il est ajourné en 1905 et 1906 et déclaré "bon" en 1907. Il est incorporé au 32e régiment d'Infanterie à Châtellerault le 16 octobre 1907, mais réformé le 21 du même mois. N'ayant pas dix jours de "présence sous les drapeaux", il n'obtient même pas le "certificat de bonne conduite". Sa réforme est justifiée médicalement par une "tuberculose pulmonaire (2).

caserne de Laage, Châtellerault
Albert Hennequin est resté moins de dix jours dans cette caserne en 1907

 

Albert Hennequin, portrait (2)
Albert Hennequin, avant 1910

 

Le 3 novembre 1906, il se marie avec Jeanne Catherine Hélène Rapnouil, aux Lèches, en Dordogne (1).

Albert Hennequin a été répétiteur aux lycées de Poitiers (3),  de Meaux (4). Puis professeur au lycée Michelet à Vanves (5).

En 1967, il habite à Vanves au n° 16 de l'avenue Victor-Hugo (6).

Albert Hennequin meurt le 8 août 1967, à Vanves (7). Il est retraité de l'Éducation nationale.

acte de décès Albert Hennequin
acte de décès d'Albert Hennequin, 8 août 1967

 

Vanves Hennquin (1)
Vanves, 16 av. Victor-Hugo où habitait Albert Hennequin

 

Vanves Hennquin (2)
Vanves, 16 av. Victor-Hugo où habitait Albert Hennequin

 

Vanves Hennquin (3)
Vanves, 16 av. Victor-Hugo où habitait Albert Hennequin

 

 

L'œuvre littéraire

Selon Charles-Emmanuel Curinier, dans la Revue moderne des arts et de la vie, Albert Hennequin "était encore sur les bancs du lycée lorsqu'il écrivit ses premiers poèmes" (8). Les débuts poétiques de l'âge adulte sont jugés diversement.

Il ne trouve d'ailleurs pas facilement éditeur comme en témoigne la préface au volume regroupant la Viole d'ébène et Rythmes, en 1907 :

  • "Ces recueils épuisés, je voulus les réunir, suivis de vers plus récents. Je croyais mes sacrifices pécuniaires terminés. Or, le manuscrit m'est revenu de chez Alphonse Lemerre accompagné d'un rapport de son comité de lecture, fort élogieux, du reste, où après les mots «originalité» et «artiste raffiné», il est dit que je ne mérite pas l'édition pour avoir fait rimer des pluriels avec des singuliers (valait-il mieux alambiquer ma pensée ou en exprimer tout le contraire ?) et pour avoir commis le huatus : «tu es» (sans doute moins euphonique que «tué» ou «tu hais»). Hé bien ! je serai une fois de plus moi-même mon éditeur !" (15).

On a parfois rangé les écrits d'Albert Hennequin sous la rubrique d'une "savoureuse poésie de terroir" (9), parce qu'elle s'attache à des lieux. Mais cela n'en fait pas une poésie simpliste. Dans la Revue savoisienne, on y voit un mélange des "influences du Parnasse et du Symbolisme" (10).

La Brise revue littéraire
La Brise, revue littéraire, Brive, janvier 1913

Albert-F. Hennequin a collaboré à La Brise, revue littéraire qui paraissait à Brive (Corrèze) et dans laquelle l'écrivain Francis Carco fit paraître ses premiers essais lyriques (11).

Il est également collaborateur littéraire de la revue Limoges illustré, au Mercure de France, à La Plume, La Vie, Le Beffroi, Le Divan, Poésie, La Revue des poètes, La Revue littéraire de Paris et de Champagne, Le Soc, Le Penseur, Poesia, La Revue du Bas-Poitou, les Cahiers de Mécislas Golberg (12), encore, à la Revue moderne des arts et de la vie, dirigée par Charles-Emmanuel Curinier (8).

Limoges illustré 1er mai 1915
Limoges illustré, 1er mai 1915

Revue Moderne des arts et de la vie, 1921
Revue Moderne des arts et de la vie, janvier 1921

Il fut lauréat du concours Andrevetan de poésie, organisé par l'Académie florimontane, en 1912. Lauréat du Prix Émile Zola en 1916, et du Prix Théodore-Véron en 1920, décernés tous deux par la Société des Gens de Lettres (8) (13). Il appartient d'ailleurs lui-même à cette Société où ses parrains ont été Henri de Régnier et André Foulon de Vaulx (8).

Le célèbre journal culturel Comœdia, sous la plume d'André Foulon de Vaulx, dresse un portait du poète, alors âgé de quarante ans. Pour lui, il s'agit de :

«l'un de nos plus délicats paysagistes en vers. Il n'est pas un froid descriptif, mais un peintre de la nature des plus sensibles et des plus vrais. Sans parler de quelques essais de jeunesse, il faut citer trois recueils : La viole d'ébène, La terre poitevine et La hotte des simples. La plupart de ses poèmes sont des tableautins campagnards d'un art attentif et fin, d'un métier sûr.
L'auteur a trouvé des mots très justes, des vers très expressifs et évocateurs pour dire les bois mouillés par les averses d'octobre, la langueur de la forêt agonisante, l'effeuillaison des taillis décolorés et aussi la neige des vergers au printemps, les ruisseaux obstrués de cressons ou la fraîcheur des sentiers où pointent les fraises. Son œuvre sent tour à tour la mousse humide, la luzerne fauchée. certains de ses poèmes, dont la mesure est en parfait accord avec les paysages sobres et tempérés de son pays seraient dignes de figurer dans une anthologie à côté des poèmes charentais d'André Lemoyne.
M. Albert Hennequin aime la netteté, la précision ; sa manière est probe et soigneuse ; le Poitou a trouvé en lui un chantre ému, sincère et pénétrant» (14).

 

La Terre poitevine couv 

 

Publications

Poésie

  • La Plainte sur la grève, poème, 1902.
  • Le Dit de la folle fille, poème libre, 1904.
  • La viole d'ébène, poèmes, 1899-1904, préface de Stuart Merrill, Niort, 1904.
  • Rhythmes, 1906.
  • À l'Aiguail, poésies, 1908.
  • La terre poitevine, éd. Georges Crès, 1912.
  • À Mélusine, 1918.
  • La Hotte de Simples, 1920.
  • Bucoliques françaises, xxx
  • Douce France, 1946.
  • Mon bon chien, poème, 1948.
  • À la vesprée, 1968.
  • Choix de poésies, 1969.

Critique littéraire

 

Notes

1 - État civil de Poitiers, naissances de l'année 1984, archives départementales de la Vienne.
2 - Registre matricule militaire, classe 1904, n° 1391, archives départementales de la Vienne.
3 - Cf. Journal officiel de la République française. Lois et décrets, 11 septembre 1920, p. 13316.
4 - Revue savoisienne, 1913, p. 207.
5 - Annuaire général des lettres, 1933, p. 899.
6 - BnF, catalogue général.
7 - Acte de décès, état civil, mairie de Vanves (copie reçue en réponse à ma demande ; la date de décès d'Albert Hennequin était jusqu'alors inconnue).
8 - Revue moderne des arts et de la vie, 30 janvier 1921, p. 23-24.
9 - Édouard Michaud, Limoges illustré, 15 avril 1910, p. 3364.
10 - "Étude sur les concours de poésie de l'académie florimontane de 1873 à 1913", G. Martin, professeur agrégé au lycée Berthollet à Annecy, Revue savoisienne, 1913, p. 147.
11 - La Revue limousine : revue régionale illustrée, 1er octobre 1926, p. 151 : "C'était en 1907. Francis Carco avait alors dix-huit ans. Charmante époque. Nous avions alors comme collaborateurs à La Brise, Henri Bachelin, qui fut prix Vie Heureuse, Hélène Seguin, prix Femina, Paul Géraldy, Joseph Ageorges, Albert Hennequin, etc."
12 - Cf. Mécislas Golberg.
13 - Le Temps, 20 décembre 1920.
14 - Comœdia, 13 mars 1925, p. 2.
15 - Cité par Jean Ott, La Revue septentrionale : organe des Rosati et des sociétés savantes, artistiques et littéraires du Nord de la France, 5 janvier 1908, p. 15.

 

Liens

 

 

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Brochure de Gaston Strarbach sur A. Hennequin

 

Gaston Strarbach, Albert Hennequin, brochure (1)

Gaston Strarbach, Albert Hennequin, brochure (2)

Gaston Strarbach, Albert Hennequin, brochure (3)

Gaston Strarbach, Albert Hennequin, brochure (4)

Gaston Strarbach, Albert Hennequin, brochure (5)

Gaston Strarbach, Albert Hennequin, brochure (6)

Gaston Strarbach, Albert Hennequin, brochure (7)

 

 

 

________________

 

Textes

 

À Rollinat

Je t'évoque, hagard, prunelles toutes grandes,
Vêtant la limousine en bure du Berry,
Ô Rollinat, clavier de nerfs et cœur aigri,
Baudelairien tragique égaré dans les brandes.

Lorsqu'enfin, secouant l'emprise des névroses,
Tu revins en plein air muser par les sillons,
Tu n'aperçus qu'abîme et qu'apparitions
Dans la nature qui t'ouvrait ses halliers roses.

Ta vie entière ayant ruminé cette mort,
Emmuré du linceul d'un désespoir farouche,
De ta femme au tombeau tu t'en fus vers la couche.

Du jour où te la prit la violence du sort.
- Paysan, gai pêcheur de la ta Creuse jolie ;
Tous les frissons d'horreur en rythmes de folie !

Albert-F. Hennequin
Limoges-Illustré, 15 février 1906, p. 2047

 

* Maurice Rollinat, 1846-1903

 

Maurice Rollinat (1)     Maurice Rollinat (2)
Maurice Rollinat (1846-1903)                                            Maurice Rollinat (1846-1903)

 

 

Ballade

en guise de merci

Car le poète seul peut tutoyer les rois
J.-M. de Hérédia

En lisant la triple ballade,
Plus d'un, de Dôle à Bergerac,
Pensa : "Grands Dieux, quel estomac
A l'auteur ! Est-il pas malade
D'avoir bu trop de vieux Cognac
Pour consacrer si gente aubade
Au los d'un obscur camarade".
Cher poète Gaston Strarbach.

Pégase qui rue et gambade
Et me cause plus d'un couac
Me ballotte comme au ressac
Galères vides en la rade.
Je tremble qu'en plein... dans le lac
M'envoyant d'une pétarade,
Il n'interrompe ma charade,
Cher poète Gaston Strarbach.

Adonc, hamonieux Pylade,
Comme les extrayant d'un sac,
Ces horribles rimes en ac
Je les assemble en enfilade.
Mais de t'imiter j'ai le trac.
Et tu diras d'un ton maussade :
"Pouah ! quelle indigeste salade !"
Cher poète Gaston Strarbach.

              Envoi
Prince des vers d'or et de jade,
Avec tous mes mercis en vrac
Reçois ma mauvaise balade,
Cher poète Gaston Strarbach.

 

Limoges illustré, 15 octobre 1911

* au sujet de Gaston Strarbach

 

 

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Documents

 

Aux morts de 1914 Albert Hennequin (2)
Le Livre d'Or des héros et des braves
de la Défense nationale, n° 15, 16 décembre 1914

 

Aux morts de 1914 Albert Hennequin (1)
Aux morts de 1914, Albert Hennequin, décembre 1914

 

 

Michel Renard
professeur d'histoire

 

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19 mai 2017

à propos du film "Les enfants du siècle" (Musset et Sand)

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à propos du film "Les enfants du siècle" 

Musset et Sand 

 

L'année scolaire 2010-2011, une nouvelle "option" de la classe de Seconde, intitulée "Littérature et société" fut proposée aux élèves de lycée... et aux professeurs volontaires pour l'assurer.

Professeur d'Histoire, je m'y suis lancé, sensible à l'exaltation intellectuelle du romantisme pour lui-même et pour l'image qu'il donne du XIXe siècle. Les rapports entre l'histoire, telle que conçue dans dans les programmes scolaires, et le romantisme comme expression littéraire de cette époque me semblaient une source de curiosité pouvant susciter l'intérêt des élèves... comme il avait suscité le mien également.

Nous commençâmes par Musset et Sand. Lecture d'extraits de La confession d'un enfant du siècle de Musset et vision du film de Diane Kurys, Les enfants du siècle (1999), avec Juliette Binoche et Benoît Magimel. Film un peu surjoué par Binoche, Magimel et quelques autres mais présentant l'intérêt d'une tentative de restitution de l'atmosphère romantique, de ses libertés et de ses excès.

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L'étude du romantisme présente le double avantage d'une approche du XIXe siècle par-delà les implacables dynamiques économiques (révolution industrielle) ou bouleversements politiques (chute de l'Empire, 1830, 1848, Second Empire...), et d'un abord de la sémantique de l'émotion, des sentiments, de l'individualisme et des états d'âme dont une jeunesse adolescente a perdu le vocabulaire dans ces temps de frustration et de violence des rapports entre filles et garçons. [mais il paraît qu'en 2012, en "Littérature et société", on "étudie" le rap...!!]

Le film de Diane Kurys commence par une lecture de George Sand du livre de Musset, une fois leur histoire terminée (vingt mois...), La confession d'un enfant du siècle (1836). On entend Musset prononcer ces paroles : "Le monde était en ruines, et nous venions au monde. La guerre était finie, nous arrivions après la gloire, après l’idéal, il nous restait le désespoir pour seule religion et pour toutes passions le mépris.  Les femmes s’habillaient de blanc comme les fiancées, et nous les enfants du siècle, vêtus de noir comme les orphelins, nous les regardions, blasphème à la bouche et le cœur vide. J’allais dans ce désert, serré dans le manteau des égoïstes… quand soudain, je la rencontrai…"

J'ai cherché d'où provenaient ces mots. Mais je ne les trouvais pas dans La confession d'un enfant du siècle. Ni internet ni Google ne me renseignaient. On les indiquait comme des citations de Musset sans jamais fournir leur source. Agacé, j'ai fini par écrire au préfacier de la dernière édition du livre de Musset. (janvier 2012) Où donc Musset aurait-il écrit ces phrases ?

9782253161080

Le professeur Frank Lestringant (université de Paris Sorbonne) me répondit immédiatement : "C'est tout simplement la substance du chap. II de la Confession, paraphrasée et résumée plutôt que citée. Sur le blanc et le noir, voir p. 69-70. Bien cordialement".

Voilà donc la vérité. Ce n'est pas une citation de Musset mais la reformulation condensée d'extraits de La confession d'un enfant du siècle. J'ajouterais même, aux évocations du chapitre II mentionnées par Frank Lestringant, les images du début de ce même chapitre, notamment cette fameuse phrase : "Alors il s'assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse".

 

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On lit dans le chapitre II : "Mais il est certain que tout d'un coup, chose inouïe, dans tous les salons de Paris, les hommes passèrent d'un côté et les femmes de l'autre ; et ainsi, les unes vêtues de blanc comme des fiancées, les autres vêtus de noir comme des orphelins, ils commencèrent à se mesurer des yeux" (p. 69-70).

Je remercie le professeur Lestringant d'avoir apporté cette précision. Les recueils de citation sur internet - qui ne fournissent quasiment jamais les sources des propos retenus - pourront mettre à jour leur chapitre Musset. Quant à Diane Kurys, elle a fait du Musset - c'est son droit de créatrice de fiction même appuyée sur l'histoire - mais les propos ne sont pas de la plume de l'Enfant du siècle...

Michel Renard

 

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19 mai 2017

une photo inédite d'André Malraux enfant

Malraux à Bondy détail

 

une photo inédite

d'André Malraux enfant


Diapositive1
André Malraux à Bondy, vers 1911-1912

André Malraux est né le 3 novembre 1901, à Paris. De l'âge de 5 ans à celui de 15 ans, il a grandi à Bondy (actuelle Seine-Saint-Denis), élevé par sa mère, sa tante et sa grande-mère, Adrienne Lamy, qui tenait une confiserie au 16, rue de la Gare.
Olivier Todd, dans sa biographie de Malraux (2001) écrit : "Face à la confiserie d'Adrienne, se dresse un grand café prospère, «Au Rendez-vous du Marché», maison Girerd" (p. 25).
Je n'avais jamais trouvé d'image de ces lieux jusqu'à aujourd'hui. Voici la Maison Girerd, rue de la Gare à Bondy avant 1914.
Question aux spécialistes malruciens : le jeune André figurerait-il, par hasard, parmi les personnages de cette carte postale ancienne ?
Je suggère, sans certitude absolue pour le moment, qu'il pourrait bien être le garçon coiffé d'un canotier, à gauche.

 

gros plan sur Malraux enfant
Malraux enfant

 

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"Face à la confiserie d'Adrienne, se dresse un grand café prospère, «Au Rendez-vous du Marché», maison Girerd"
(Olivier Todd)

 

On connaît la photo d'André Malraux, à l'âge de treize ans (ci-dessous). En existe-t-il qui le montre plus jeune ?

André Malraux à 13 ans
André Malraux, à droite, année 1913-1914

 

La photo ci-dessus est ainsi commentée par le biographe Curtis Cate (1924-2006) : après son certificat d'études obtenu en mai 1913, on confia André Malraux "aux bons soins de Paulette Thouvenin, une institutrice rédoutée pour son efficacité. Sur une photographie de ses élèves - quatre garçons et quatre filles - André Malraux apparaît vêtu avec une certaine recherche : jaquette cintrée à trois boutons, col raide et cravate, élégante chaîne de montre formant une boucle entre la première boutonnière et la poche de poitrine, pantalon serré au-dessous du genou, chaussettes de laine et bottines à lacets."

Curtis Cate, Malraux, (1993), éd. Perrin, 2006, p. 23.

 

Michel Renard
professeur d'histoire

 

________________

 

 

J'ai questionné Jean-Louis Jeannelle, professeur de littérature française des XIXe et XXe siècles à l’Université de Rouen, auteur notamment de Malraux, mémoire et métamorphose (Galliamard, 2006) qui m'a transmis l'avis de Claude Travi, auteur de Dits et écrits d'André Malraux : bibliographie commentée (avec Jacques Chanussot, Presses universitaires de Dijon, 2016).

 

le point de vue de Claude Travi

  • Effectivement, je connaissais cette carte postale. Elle a déjà été reproduite en 1977, p. 64, dans une petite brochure intitulée : En Aulnay Jadis, n°6, avec l'article : "Feuillets bondynois, pour une biographie : le fils de l'épicière", par Jean Astruc. La page suivante en reproduit une autre, en pleine page, où l'on voit à nouveau ce petit bonhomme fier, avec son chapeau. Plus loin encore, p. 68, il y a un cliché de 1913, qui montre, avec d'autres garçons, Malraux en boy-scout, portant un bidon.
    Il me semble donc probable, mais sans certitude absolue, que le jeune homme soit Malraux, d'autant que je crois reconnaître sa mère, née Berthe Lamy, dans la femme vêtue de noir, qui se trouve au milieu de la rue. (cf. reproduction dans Malraux, celui qui vient, de Guy Suarès (Stock, 1974 et 1979), p. 11.
    1911-1912 semblent les bonnes dates.
    La seule réserve, je la trouve, toujours dans la même brochure. Elle provient  d'un camarade de jeu de Malraux, Henry Robert, resté bondynois qui, au vu des cartes postales, avait déclaré spontanément : "ça m'étonnerait qu'on l'ait laissé traîner dans la rue. Il était très surveillé. C'était "un petit monsieur"'.
    Oui. Mais la présence de sa mère pourrait justifier sa présence.

Claude Travi

 

La réserve du camarade de Malraux, Henry Robert, est toute relative, selon moi. En effet, Malraux ne "traînait pas dans la rue", il a dû sortir pour cette occasion exceptionnelle qu'était la prise de clichés par un photographe de cartes postales. Dans ces cas-là, tout le monde sortait.

Par contre, je reste circonspect devant cette affirmation de Claude Travi : "je crois reconnaître sa mère, née Berthe Lamy, dans la femme vêtue de noir, qui se trouve au milieu de la rue"... J'aurais tendance à y voir une jeune adolescente parmi des gamins encore plus jeunes. Par ailleurs, si c'était la mère d'André Malraux, pourquoi son fils ne serait-il pas à ses côtés ?

En Aulnay jadis est publié par la Société Historique du Vieux Raincy et du Pays d'Aulnay. L'article de Jean Astruc se trouve p. 63-71. Il a été déposé aux archives départementales de la Seine-Saint-Denis.

Michel Renard
31 mai 2017

 

________________

 

Je me suis adressé à Madame Florence Malraux, fille d'André et de Clara Malraux, qui a eu la gentillesse de me répondre.

 

le point de vue de Florence Malraux

J'ai cherché dans mes archives, dans les photos de mon père enfant et je n'ai rien trouvé qui puisse nous aider. Rien non plus qui nous empêche de croire qu'il s'agit d'André Malraux. Le mainFlorence Malrauxtien me paraît assez proche. Et la carte postale pleine de charme. Bien à vous.

Florence Malraux

15 août 2017

 

 

 

 

 

________________

 

autres enfants 

 

J'ai trouvé un autre exemplaire de cette carte postale, écrit au dos.

 

autres enfants (1)

 

autres enfants (2)

 

La correspondante écrit : "Ma tante chérie. Ici, tu verras Paul et Jeannette, notre boutique est juste en face, je suis bien devant la porte mais le photographe a tourné un peu trop son appareil et je n'ai pas été prise...". Cela confirme que la présence d'un photographe incitait les proches riverains à vouloir figurer sur le cliché.

J'identifie, par hypothèse, Paul et Jeannette comme étant les deux enfants situés à l'extrémité gauche de l'image.

 

autres enfants (3)

autres enfants (4)

 

 

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autre image 

 

Il existe une autre carte postale ancienne montrant la rue de la Gare à Bondy, à proximité du commerce tenu par la grand-mère de Malraux. On y voit également des petits groupes de personnes, surtout des enfants, tenant à poser devant l'appareil du photographe.

Il n'est pas interdit de penser que Malraux pouvait aussi figurer sur cette photo, en compagnie des trois femmes de son enfance : sa mère, sa tante, sa grand-mère, devant le commerce de cette dernière.

 

Bondy rue de la Gare groupes personnes (3)
Bondy, rue de la Gare, à l'époque où Malraux enfant y habitait

 

Bondy rue de la Gare groupes personnes (2)
Bondy, rue de la Gare, à l'époque où Malraux enfant y habitait

 

Bondy rue de la Gare groupes personnes (1)
Bondy, rue de la Gare, à l'époque où Malraux enfant y habitait

 

Diapositive2

 

2 juin 2017

 

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les cartes postales éditées par Girerd 

 

En face du commerce de sa grand-mère, dans la rue de la Gare à Bondy, Malraux avait pour voisin le café de la Maison Girerd «Au Rendez-vous du Marché» ou «Vins M(ais)on Girerd Restaurant».

Le propriétaire de cet établissement a fait éditer quelques cartes postales - comme d'innombrables commerces en France à cette époque - en les signant : «Au Rendez-vous du Marché - Maison Girerd». J'en connais trois : celle de la rue de la Gare, celle du Jardin-Bosquet et celle de l'église.

Or, quelques personnes semblent se retrouver sur au moins deux clichés. Par exemple, la fillette aux mains posées sur les hanches.

 

fillette mains sur les hanches
la même fillette sur deux cartes postales éditées par Girerd ?

 

Malraux lui-même figurerait-il sur d'autres photos ? C'est envisageable.

Il me semble le distinguer parmi les personnes posant sur la carte postale intitulée : "Bondy- Jardin - Bosquet de la Maison Girerd". Petit garçon au canotier, debout, à l'extrémité de la table, dans la moitié droite de la photo ; même air sage et sérieux que sur la carte postale de la rue de la Gare.

Esi-il également présent devant l'église ? Le flou de l'image rend plus difficile l'identification. Peut-être...

Mon hypothèse est que la famille de Malraux et les tenants du café d'en face devaient entretenir au moins des relations de bon voisinage. Et quand l'aubergiste a fait venir un photographe pour illustrer les cartes postales qu'il a fait imprimer et qu'il a dû ensuite proposer à la vente dans son commerce, les voisins ont tenu à figurer sur les images.

 

Bondy bosquet Maison Girerd (1)

 

Jardin café Girerd
l'enfant Malraux, chez les voisins le temps d'une photo ?

 

Bondy église cpa Maison Girerd (1)
église de Bondy, carte postale éditée par Girerd

 

Bondy église cpa Maison Girerd (2)
église de Bondy, carte postale éditée par Girerd : les personnages

 

Diapositive1
l'enfant Malraux, dans la rue et devant l'église ?

 

Michel Renard
3 juin 20017

 

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19 mai 2017

Les Faux-Monnayeurs, André Gide (1925) : critiques, commentaires, iconographie

Faux-Monnayeurs éd 1967

 

 

Les Faux-Monnayeurs,

André Gide (1925)

critiques, commentaires, iconographie

 

 

sommaire

I - quelques jugements sur le roman de Gide

II - Les propos de Gide sur l'écriture des Faux-Monnayeurs, selon Maria van Rysselberghe (Cahiers de la Petite Dame)

III - commentaires sur Les Faux-Monnayeurs

  • Paul Souday (1927)
  • Emmanuel Berl (1929)
  • Ramon Fernandez (1931)

III - couvertures des Faux-Monnayeurs

IV - couvertures du Journal des Faux-Monnayeurs

V - Les Faux-Monnayeurs, une psychobiographie d'André Gide ?

VI - André Gide et l'homosexualité

VII - Les Faux-Monnayeurs au cinéma

VIII - liens

 

André Gide portrait rapproché
André Gide, 1869-1951

 

 

I - quelques jugements

 

  • "Inquiet dès sa plus tendre enfance, Gide n’aura de cesse ensuite d’inquiéter les autres, de les alerter, de les éclairer sur les faux-semblants qui drapent la vie sociale."
  • "Les Faux-Monnayeurs, le seul «roman» que Gide ait jugé digne de ce nom, constitue pour l’histoire de la littérature du XXe siècle un jalon essentiel, modèle de «mise en abyme» et de réflexion en actes sur le genre romanesque. Nul hasard si Les Faux-Monnayeurs est régulièrement inscrit au programme de licence ou de l’agrégation."
  • "... Les Faux-Monnayeurs, ce roman expérimental. Gide, on le sait, est l’inventeur de la «mise en abyme». Tout un pan de la littérature contemporaine, qui met au premier plan le travail de l’écrivain et la dimension réflexive de l’œuvre, procède en vérité de Gide, autant que de Proust ou de Joyce."

Franck Lestringant, "Gide, révolutionnaire malgré lui", site Le Salon littéraire, 2012.

 

 

II - Les propos de Gide sur l'écriture des Faux-Monnayeurs, selon Maria van Rysselberghe (Cahiers de la Petite Dame)

 

Maria van Rysselberghe couv

 

* en italique le texte de Maria van Rysselberghe, pour le distinguer des propos de Gide lui-même.

 

Les Faux-Monnayeurs – Gestation des Faux-Monnayeurs

Je me sens en pleine gestation, je sens se former les organes de mon embryon ; tantôt l’un, tantôt l’autre prend des proportions débordantes. Ah ! arriver à faire de tout cela un être viable ! Au fond, je crois que tout cela n’est pas mûr. Je crois qu’il me faudra baratter tous ces éléments dans mon esprit encore longtemps. Il n’y a pas un centre à mon roman, il y en a deux comme dans une ellipse : les faits d’une part, et leur réaction dans «Édouard» ; lequel prendra le pas sur l’autre ? Je crois que le journal du roman va entrer dans le roman lui-même ; parfois je me dis que si cela n’avance pas mieux, c’est que je fais fausse route, que je m’acharne sur des données impossibles. D’ordinaire, le personnage qui tient les ficelles, le personnage ciment est forcément de second plan ; moi, j’entends en faire l’intérêt principal, mais pas au détriment de l’action, de la vie, ce qui chez moi est un penchant trop naturel.

D’habitude, quand on fait un roman, ou bien on part des caractères et on invente des faits pour les mettre en valeur, ou bien on part des faits et on crée les caractères dans la mesure où ils les peuvent expliquer. Mais «Édouard», qui tient toutes les ficelles psychologiques d’une série d’êtres, dont il est le confident, au lieu d’écrire un roman, rêve de faire agir ces êtres dans la réalité et il n’arrive pas à faire la preuve des caractères par les faits.

Ces êtres lui donnent des événements, dont il ne peut rien faire ! et cela devient une partie du sujet. Ce roman peut devenir aussi la critique du roman, du roman en général […].

Je viens de commencer mon livre ; si je le réussis, il sera ahurissant ; il ne ressemblera à quoi que ce soit ; et, en même temps, j’écris le journal de ce livre, comme on ferait pour un enfant. Ça m’aide beaucoup pour son développement, ça me paraît d’un difficile ! Le roman me semble, du reste, le genre le plus factice ; je suis toujours tenté de parler à la première personne.

Je crois que je n’attendrai pas qu’il soit tout à fait en moi pour l’écrire. Je voudrais que le lecteur ait le sentiment qu’il se fait devant lui ; je voudrais supprimer les parties mortes du roman.

Que tout cela est donc compliqué à expliquer !

Il me lit quelques passages, pour me donner une idée du ton : un dialogue entre «Lafcadio» et «Édouard», mais ces personnages resteront-ils seulement ? Je modifie toujours mes débuts.

Puis, quelques jours plus tard : Je commence à être harcelé par mon livre. Je fais un livre comme on fait une maladie ; c’est un travail de dépersonnalisation, comme un insecte qui change de forme.

1919, p. 101-102 

 

Lecture des Faux-Monnayeurs

Le soir après le dîner ; il nous lit ce qu’il a écrit de son roman : des passages qui ne se suivent pas. Il en est tout désillusionné. Quelques phrases seulement le contentent. Rien de tout cela ne restera sans doute, dit-il ; peut-être ferai-je de tout cela deux livres ? L’un à la manière des Paludes, tout à fait critique et déconcertant, l’autre, un roman de vie ?

1919, p. 103 

 

Les Faux-Monnayeurs

[Gide dit] Quand je songe à mon roman, ce mythique roman, j’ai parfois la peur de tomber dans le roman à idées, le pire des genres ! Puis je me dis : pourquoi penser ainsi ? Il n’y a pas de mauvais genres ; pourquoi pas, après tout, un roman à idées, carrément, en le montrant, en faisant nettement sentir à certains moments que les idées sont plus importantes que les personnages… ? Certaines parties commencent tout de même à se durcir, à force d’y songer ; du début dont je vous ai parlé, rien ne restera, je crois ; le dialogue entre Édouard et celui que pour simplifier, nous continuerons à appeler Lafcadio doit aussi être refait. Les réalités auxquelles je songe (rapports de parents à enfants chez mon oncle Charles Gide et chez Allégret), pour ce début, sont si riches que j’ai bien peur de rester très en-dessous.

Il esquisse en quelques mots ce début : fuite de l’enfant, rencontre d’Édouard déposant sa valise à la consigne, le billet de consigne qu’il perd, vole, puis inspection de la valise…

1921, p. 129-130

 

 

Les Faux-Monnayeurs

À travers tout ce que dit Gide, quel que soit l’auteur dont il parle, on sent qu’il pense à son roman, pour le comparer, pour l’opposer.

1922, p. 154

 

Les Faux-Monnayeurs

Notre impatience est grande de lui entendre lire quelque chose de son livre ; cela le met dans un état de malaise nerveux : il hésite, il soupire, il prend un temps exagéré pour s’installer. Enfin, il commence et nous lit le premier chapitre, dont il n’est pas content du tout (sauf de la lettre laissée par le petit Bernard), puis d’autres dont il aime assez le ton (l’arrivée de Bernard chez Olivier), où l’ont voit d’abord Robert de Passavant, Lady Griffith , puis enfin le journal d’Édouard.

Il a, dit-il de telles antennes quand il lit à haute voix qu’il sent exactement ce qui nous plaît le plus, ce que nous aimons le moins ; nous de même, du reste, au seul ton dont il lit.

Il pense supprimer presque entièrement le premier chapitre : Il doit, il devrait être comme le meilleur.

Ce matin en s’éveillant, il a trouvé le titre du dernier livre de son personnage Robert de Passavant (qui est un peu Cocteau) : La Barre fixe, ou peut-être bien La Grande Ourse.

1923, p. 170

 

 

Les Faux-Monnayeurs

Ai-je dit que le Home américain de la rue Chevreuse, où j’ai si souvent été voir mes amies Jane Harrison et Hope Mirrlees rencontrées à Pontigny, était précisément le local de la pension Azïs des Faux–Monnayeurs (pension que Gide fréquentait authentiquement dans son enfance) ?

 

Home américain rue de Chevreuse

 

Il demande à Andrée de le conduire dans ce qui est maintenant la salle à manger et qui était autrefois une classe, celle-là même où il situe, dans le roman, le suicide du petit Boris.

Il travaille beaucoup, avec le secret désir d’avoir terminé son roman avant de partir. Il a commencé par nous lire, en plusieurs fois, ce que nous ne connaissions pas encore.

À propos de la scène entre Molinier et Édouard, je crois (l’exactitude ici n’a du reste pas grande importance), il me raconte que Martin du Gard ne la trouve pas vraie, et dit cette chose curieuse : Tant pis, je trouve mon dialogue excellent ; s’il le faut, je changerai plutôt le caractère du personnage. Du reste, c’est toujours ainsi que je procède ; je fais parler mes personnages ; c’est ainsi qu’ils naissent, qu’ils se dessinent. Que de choses on affirme au nom de la psychologie ! Je crois qu’on peut faire dire n’importe quoi à n’importe qui ; c’est la manière qui importe.

Je me souviens que j’avais été très choquée du développement inattendu qu’il avait donné au caractère de Sarah. Il me dit : C’est fort juste ; vous avez raison, et je vais revenir à la première version. J’ai voulu brusquement enrichir mon livre du problème de la maternité et je n’ai fait que l’alourdir ; ce n’est pas dans le cadre.

Je revois encore ceci : à la lecture de l’incident du mouchoir taché de sang, Élisabeth sursaute ; ça lui paraît faux, outré. Il dit : Martin du Gard aussi veut me faire supprimer ça ; il prétend que c’est une faute de psychologie, que jamais un être jeune ne fera ça et que le dégoût l’emportera. Mais il tient à cet incident ; il trouve précisément que ce côté cyniquement d’accord, de mauvais goût, grinçant, est bien dans le caractère d’Armand. […]

Il n’est plus très content de son travail ; ses personnages, dit-il commencent à l’ennuyer. Un matin, il apparaît avec une singulière figure, moitié riante et moitié penaude, excité d’avance par l’étonnement qu’il va causer : J’ai bien travaillé, dit-il, j’ai trouvé le joint ? J’ai fait intervenir un ange. Que va dire Martin du Gard ! Bernard n’avait plus de confident, il faut bien qu’il parle à quelqu’un !

Le soir, il nous lit l’entrée en scène de l’ange. Il est presque déconcerté de voir que je m’habitue vite à cette forme de la conscience de Bernard.

Lamennais couvLe lendemain, il est moins content de l’ange ; il s’est beaucoup battu avec lui pendant la nuit. Il prétend que ça n’est pas neuf, que ça fait penser aux Paroles d’un croyant de Lamennais, qu’il a beaucoup pratiqué autrefois, et à ne je sais plus quoi d’autre.

Il dit encore : Vous rappelez-vous (il emploie toujours cette forme courtoise, même quand il est certain qu’on ne se souvient pas) comme c’est beau, dans la Bible, beau comme les plus belles choses, ce dialogue de l’ange et de Jacob, quand Jacob lui dit : «Je ne te laisserai pas partir, que tu ne m’aies béni». C’est très mystérieux, cette emprise de l’homme sur l’ange !

Plus tard, il nous lit le passage dans la Bible.

 

Il me dit aussi : Comme c’est étrange, au commencement du livre, quand j’ai mis dans la bouche de Bronia ces propos, je n’avais pas la moindre idée que je ferais intervenir un ange dans mon roman, et maintenant je me dis que si je l’avais su, je n’aurais pas fait autrement ; cette conversation de Bronia a l’air de le faire pressentir.

1925, p. 201-203

 

Delacroix 1861
La lutte de Jacob avec l'Ange, Delacroix, 1861

 

 

Les Faux-Monnayeurs achevés

J’ai dû faire beaucoup de choses avec lui, des achats de toutes sortes, mais nous étions trop pressés pour y trouver beaucoup de plaisir. Je revois bien le dernier après-midi de ce séjour. C’était à la Villa. Il m’attendait en préparant le thé. Il voulait me lire la fin des Faux-Monnayeurs, qu’à son très grand soulagement, il venait de terminer.
Je me souviens qu’au moment où il a commencé, j’ai éprouvé ce genre de vertige, d’inexplicable malaise qui vous saisit quand on a le sentiment qu’on revit un instant qu’on a déjà vécu identique, jusque dans les moindres nuances de l’atmosphère ; c’était si violent que, d’abord, cela m’empêchait d’écouter ; j’étais tendue à l’excès. Mais la lecture est si poignante (c’est le suicide du petit Boris) qu’elle me tient haletante jusqu’au bout. Lui est très attentif au choc qu’il croit que je vais éprouver quand, se taisant, il me fera comprendre que c’est fini. Mais non, je ne suis point choquée
.

1925, p. 203-204

 

Les Faux-Monnayeurs se vendent mal. Ils sont bien peu à se rendre compte de la valeur de ce livre, mais ça viendra.

1926, p. 229 

 

 

 

III - commentaires sur Les Faux-Monnayeurs

 

Paul Souday portrait
Paul Souday, 1869-1929

Paul Souday (1)

Paul Souday (2)

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Paul Souday (6)

Paul Souday (7)

Paul Souday (8)

Paul Souday (9)

Paul Souday (10)

Paul Souday (11)

 

Paul Souday, André Gide, éd. Simon Kra, 1927, p. 95-105. Commentaire très négatif. source BnF Gallica

 

 

 

 

Emmanuel Berl jeune
Emmanuel Berl, 1892-1976

Emmanuel Berl sur les Faux-Monnayeurs 1929
Emmanuel Berl, revue Europe, 15 janvier 1929

 


 

Ramon Fernandez portrait
Ramon Fernandez, 1894-1944

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Ramon Fernandez, André Gide, 1931

 

 

 

III - couvertures des Faux-Monnayeurs

 

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IV - couvertures du Journal des Faux-Monnayeurs

 

 

Journal des Faux-Monnayeurs couv

 

 

 

V - Les Faux-Monnayeurs, une psychobiographie de Gide ?

 

Le roman (...) offre des éléments (de psychobiographie). Le petit Boris ressemble beaucoup au petit André : lui aussi s'est retrouvé prématurément orphelin de père, lui aussi a dû affronter un problème d'onanisme infantile, l'École alsacienne qu'il fréquentait ressemblait par certains aspects à la pension Vedel. L'amour sublimé que le jeune Gide a éprouvé pour sa cousine Madeleine à l'époque fervente de sa première communion n'est pas sans rappeler celui que Bernard déclare vouer à Laura.

L'aventure d'Édouard avec Olivier, que lui dispute Passavant, rappelle beaucoup celle de Gide avec Marc Allégret, que fascina un moment Cocteau, en 1917.

Les lettres du frère de La Pérouse brûlées par sa femme sont une transposition des lettres de Gide brûlées par Madeleine à la suite de son départ avec Marc pour l'Angleterre en 1918.

Madeleine Gide
Madeleine Gide

Et on peut considérer comme une transposition encore beaucoup plus complexe cet enfant encombrant, et pourtant pas absolument non désiré, qu'attend Laura, alors que Gide vient de faire une fille en 1923 à  Elisabeth Van Rysselberghe, la fille de sa meilleure amie.

Le substrat psychobiographique offert par Les Faux-Monnayeurs est donc d'une richesse incontestable. Il a d'ailleurs déjà été relevé et partiellement exploité dans deux ouvrages, ceux de Jean DELAY, La jeunesse d'André Gide (Gallimard, 2 vol., 1956-57), et de Pierre MASSON, Lire les Faux-Monnayeurs (PUL, 1990).

Jean-Yves Debreuille, "La psychanalyse en question dans Les Faux-Monnayeurs", Semen (en ligne le 22 mai 2007), 9, 1994.

 

 

 

VI - André Gide et l'homosexualité (Franck Lestringant)

 

- Vous abordez de front la question de l’homosexualité et notamment de la pédérastie d’André Gide. Comment se fait-il qu’il ait fallu attendre soixante ans pour en parler aussi ouvertement, et dans un contexte loin d’être favorable à ce type d’évocation ? Cet aspect qui a influencé sa vie a-t-il influencé l’œuvre ?

Franck Lestringant - C’est la question la plus délicate, et malheureusement la seule que le grand public retient aujourd’hui. Quand on prononce le nom de Gide, on pense tout de suite aux petits garçons. Or c’est une question sérieuse qui ne prête guère à rire. Il faut aller aux États-Unis, où fleurissent, comme on sait, les «Gender Studies» et les «Gay and Lesbian Studies», pour comprendre l’importance toujours actuelle de Gide à cet égard.

Si la communauté homosexuelle, dans les pays d’Occident tout au moins, peut aujourd’hui revendiquer des droits, c’est en grande partie à Gide qu’elle le doit.

Car la pédérastie, chez Gide, n’est ni un détail ni un accident. C’est une composante essentielle de sa vie et de son œuvre. Gide, à plusieurs reprises au cours de son existence, a déclaré qu’il avait deux passions : «La pédérastie et la religion.» Variante : «La pédérastie et la littérature.» Quel que soit le second terme, religion ou littérature, la religion comme inspiratrice de la littérature ou la littérature comme religion, il y a toujours, comme premier terme, la pédérastie. C’est une constante, et presque la constante de son action.

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C’est la pédérastie qui a poussé Gide à s’engager et même à envisager de sang-froid le martyre. Tel est le sens de Corydon, de tous ses livres celui auquel il tenait le plus, et qui sera sans cesse retravaillé, retouché et augmenté entre 1909 et 1924, date de sa diffusion publique. Entre tous les «motifs» de Gide, au sens que l’on a défini plus haut, la pédérastie a sans doute été le plus fort, le plus puissant, et jusqu’à son extrême vieillesse, le plus impérieux.

Mais qu’est-ce que Gide entendait par pédérastie ? C’est en vérité une espèce très particulière d’homosexualité. Gide, en effet, a toujours été soucieux de distinguer trois sortes d’homosexuels, confondus à tort selon lui, et qui dessinent une nette hiérarchie.

Dans ses «feuillets» de 1918, contemporains de la rédaction finale de Corydon, il précise ces trois définitions : «J’appelle pédéraste celui qui, comme le mot l’indique, s’éprend des jeunes garçons. J’appelle sodomite celui dont le désir s’adresse aux hommes faits. J’appelle inverti celui qui, dans la comédie de l’amour, assume le rôle d’une femme et désire être possédé» Se rattachent à cette dernière catégorie ceux que Gide appelle les «Lesbiens», des invertis honteux et souvent inconscients qui, «soit par timidité, soit par demi-impuissance, se comportent en face de l’autre sexe comme des femmes», dans une «conjugaison» en apparence «normale».

Certes Gide convient que «ces trois sortes d’homosexuels ne sont point toujours nettement tranchées» et qu’«il y a des glissements possibles de l’une à l’autre». Il reste qu’à ses yeux la différence l’emporte sur les similitudes, une différence «telle qu’ils éprouvent un profond dégoût les uns pour les autres ; dégoût accompagné d’une réprobation qui ne le cède parfois en rien à celle que vous (hétérosexuels) manifestez âprement pour les trois».

 

Gide et Marc Allegret vers 1920-1921
André Gide (1869-1951) et Marc Allegret (1900-1973), en 1920

 

Gide se situe sans hésiter dans la première catégorie, l’espèce la plus rare, à laquelle les mœurs antiques, la poésie, l’art et la philosophie des Grecs ont depuis vingt-cinq siècles conféré ses lettres de noblesse. Les pédérastes représentent pour Gide l’élite de la société homosexuelle, une authentique noblesse d’élection.

Toutefois il respecte les sodomites, «beaucoup plus nombreux», qui constituent la masse. Il ne peut cacher en revanche son mépris, voire son dégoût, pour les invertis, qu’il dit, contre toute évidence, avoir «fort peu fréquentés», et qu’il rejette dans les bas-fonds. Ce sont les brebis galeuses du troupeau, qu’il convient de tenir à l’écart. Parmi ces invertis ou ces «tantes», il y a Oscar Wilde et Marcel Proust, à l’endroit desquels Gide ne peut cacher une instinctive répugnance, mêlée contradictoirement d’admiration.

 

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Gide et Marc Allegret en 1920

 

- On voit donc que le combat de Gide en faveur de l’homosexualité n’est dépourvu ni d’ambiguïté ni de réticences. Ce qu’il faut retenir toutefois, et qui est capital, c’est le renversement des valeurs auquel il procède. S’inspirant de Montaigne, Gide peut proclamer que «les lois de la conscience, que nous disons naître de la nature, naissent de la coutume».

Franck Lestringant - Le fameux «péché contre nature» n’est en vérité qu’un péché contre la coutume. L’homosexualité, le spectacle des chiens dans la rue le prouve chaque jour, n’est pas moins «naturelle» que l’hétérosexualité. Et, ajoute Gide, elle a été indispensable à l’éclosion des plus hautes formes de l’art et des plus grandes époques de la civilisation.

Le biographe de Gide ne saurait passer sous silence cette dimension de l’homme. Aucune curiosité malsaine à cet égard, mais le simple devoir de vérité, auquel Gide lui-même a sacrifié toute sa vie. Il a montré la voie, quelque gêne que l’on puisse éprouver parfois au détail de ses aventures.

Franck Lestringant, "Gide, révolutionnaire malgré lui", site Le Salon littéraire, 2012.

 

 

 

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VII - Les Faux-Monnayeurs au cinéma

 

Pourquoi Les Faux-monnayeurs ? Pourquoi à la télévision ?

Benoit Jacquot : Les Faux-monnayeurs est sans doute l’un des premiers films que j’ai voulu faire. J’ai lu le roman très jeune, à l’âge de ses jeunes protagonistes, au moment où je me suis mis en tête que je serais cinéaste et rien d’autre.

C’est même un désir qui m’a pris en le lisant, je crois. Bien que Gide, à ma connaissance, n’en ait jamais parlé, il y a quelque chose de feuilletonesque dans Les Faux-monnayeurs. Sur un mode extrêmement retors et complexe. Des rebondissements, des personnages qui se cherchent, qui se trouvent, qui se perdent…, qui constituent un monde en soi, vivant selon un temps qui est celui du roman.

 

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À certains égards, il y a quelque chose de balzacien. L’idée est restée en moi, à l’état latent, réapparaissant de temps à autres, et ce n’est finalement qu’il y a une dizaine d’années que j’ai commencé à penser sérieusement avec un ami producteur à monter ce projet pour le cinéma. Nous nous sommes vite rendu compte que nous aurions un mal de chien à le faire aboutir, pour diverses raisons liées au commerce cinématographique et dont la moindre n’était pas la question de la durée, puisque j’imaginais alors un film bien plus long qu’il ne l’est aujourd’hui. Ce n’est pas impossible au cinéma mais c’est rare parce que c’est risqué.

Mais, au fond, cette impasse m’a beaucoup servi en me permettant d’identifier ce qui pouvait être problématique dans cette… j’ai horreur du mot «adaptation», disons dans le fait de transformer ce roman en film. Plusieurs cinéastes en ont rêvé, certains sont même allés très loin, comme Luigi Comencini.

À la Gaumont, durant les «années Toscan», on y a beaucoup réfléchi. Généralement, cela provoque un grand enthousiasme avant de buter sur des écueils qui visiblement dégonflent tout.

 

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Enfin, il y a quelques années, une amie m’a montré les tapuscrits d’un projet d’adaptation des Faux-monnayeurs pour Marc Allégret, qui a été comme on sait à la fois un cinéaste renommé et l’intime de Gide. Lisant cela, qui avait beaucoup d’intérêt mais était totalement impraticable, j’ai senti la corde se tendre de nouveau. Ce qui s’est accompagné de deux décisions : proposer ce film à la télévision et m’attaquer seul au scénario.

«Attaquer» est le mot juste parce que j’y suis allé brutalement, c’est-à-dire que j’ai fait des gestes qui peuvent sembler discrets à présent mais qui, sur le moment, étaient violents.

J’ai «rechronologisé» le roman, laissé de côté des pans entiers de l’histoire, des situations, des personnages. J’ai tenté de «linéariser» sans perdre le feuilleté de l’écriture de Gide. La fameuse mise en abyme, qui retient beaucoup les commentateurs, j’ai essayé de ne pas la fétichiser, de ne pas la considérer comme incontournable, mais plutôt de donner un équivalent du monde des Faux-monnayeurs.

 

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Le «monde des Faux-monnayeurs», c’était cela, votre «hypothèse de cinéma» – pour reprendre une expression que vous avez employée récemment pour parler de votre dernier film, Au fond des bois –, davantage que l’aspect formel du roman ?

Benoit Jacquot : Ce n’est pas tant le geste littéraire que la mise en place très particulière, unique, singulière d’un univers qui m’a touché en tant que lecteur et qui pourra sans doute en toucher beaucoup d’autres, longtemps encore.

Ce qu’on appelle la modernité des Faux-monnayeurs est pour moi un peu une tarte à la crème, un lieu commun, un cliché académique. Ça s’enseigne dans les écoles et c’est sans doute très amusant mais je ne crois pas que ce soit ce qui fait la force et la pérennité de ce livre.

C’est plutôt, il me semble, cet aspect constamment paradoxal, notamment dans le fait que tout y est en même temps singulier et universel, et ce monde qui se constitue, à la fois naturel et concerté, qui est pour un cinéaste une gageure immédiate et un horizon de cinéma très favorable à la conception et à la fabrication d’un film.

Et puis, disons-le, il y a au fond pour moi un charme inaltérable, comme un parfum qui demeure, très capiteux, un peu vénéneux et en même temps parfaitement supportable, en tout cas propice à ce que j’aime montrer au cinéma.

 

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Ce monde, on peut l’entendre au sens social, voire géographique (avec des lieux, des déplacements, des détours…) mais aussi dans un sens affectif : il y a chez Gide l’utopie d’affinités et de configurations sentimentales qui viendraient non pas s’opposer frontalement mais perturber les agencements familiaux…

Benoit Jacquot : Les Faux-monnayeurs est le roman des perturbations familiales. D’autant plus efficaces qu’elles sont discrètes. Et qu’on a le sentiment que ce qu’on voit là, qui appartient au romanesque, existe, peut exister pour tout un chacun dans sa vie.

Qu’il y a à côté de l’ordre social institué – aimable ou détestable, mais souvent détestable – un autre ordre qui le redouble et qui, lui, est délicieux, séduisant et donc troublant. Nous ne cessons tous, hommes, femmes, jeunes, vieux, au cours de notre vie, de passer d’un ordre à l’autre. C’est très convaincant chez Gide et, j’espère, dans le film.

 

Ça l’est d’autant plus que cela rejoint une constante de votre cinéma, au fond moins préoccupé par les sentiments que par le désir…

Benoit Jacquot : Les sentiments m’intéressent, évidemment, ne serait-ce que parce que, comme tout un chacun, j’en éprouve. Mais ce que je cherche avant tout quand je fais un film, c’est à montrer au sens fort les différences entre ce qu’on pense et ce qu’on fait, entre ce qu’on fait et ce qu’on dit, entre ce qu’on désire et ce qu’on demande…, tous les écarts possibles de la vie mentale et désirante. Et à construire des situations objectivées – dans la mesure où cela passe par une caméra – selon ce mode-là, les écarts constants de soi-même à soi-même, de soi-même aux autres, et du coup les rapprochements possibles, inattendus, surprenants, vivants.

 

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Dès les premières minutes du film, la voix off d’Édouard met en garde : «Rien n’est plus difficile à observer que les êtres en formation. Il faudrait pouvoir ne les regarder que de biais». Et comment les filmer, alors ?

Benoit Jacquot : Cette «formation», qui est l’un des objets de ce roman, il me semble qu’elle est encore davantage, par nature, et même ontologiquement l’objet du cinéma. Le cinéma est pratiquement fait pour cela : saisir 24 fois par seconde ce qui est en train de se former. Et la jeunesse est par définition ce qui est en formation…

 

Le choix des jeunes comédiens était un enjeu important pour ce film…

Benoit Jacquot : Très important. Comme on fait couramment, j’ai chargé des assistantes de faire des recherches puisque, par définition, il s’agissait de visages peu connus. J’avais donné quelques caractéristiques assez vagues. Pour l’âge, entre 14 et 18 ans. J’ai donc vu pas mal de comédiens impétrants et il se trouve que ceux qui me semblaient les plus proches en terme de justesse par rapport à ce que je laissais deviner de leur rôle étaient les plus jeunes. C’est ainsi, je ne l’ai pas voulu.

 

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Mais cela m’a posé une question : quel effet de représentation cela allait-il produire que des personnages sensés avoir au minimum 15 ou 16 ans soient incarnés par des comédiens qui avaient à l’époque un an de moins – et, à cet âge, c’est considérable –, c’est-à-dire de faire interpréter des adolescents par des préadolescents ?

Assez vite, conforté par les avis que je demandais, il m’a semblé que ce côté «en formation» apparaîtrait avec toute sa force si les personnages étaient non pas des adultes à l’état adolescent mais bien des adolescents en voie de devenir adultes.

Là, pour le coup, l’effet était frontal, sans oblicité. Mais, après tout, j’ai passé mon bachot à 15 ans, alors pourquoi pas ? C’est après, comme il arrive souvent, que je me suis dit que ce parti pris induisait l’idée d’un seuil. La voix n’est pas encore posée, le corps n’est pas encore adulte, comme s’il y avait cette possibilité de revenir en arrière, à l’enfance. Et c’est quelque chose qui, pour Édouard – en vérité un double de Gide – est immédiatement un objet de pensées et de sentiments.

 

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La jeunesse, c’est ce qui érotise Gide…

Benoit Jacquot : C’est non seulement la jeunesse mais, au-delà – et je ne cherche pas à édulcorer les choses – la jeunesse du monde. Comment faire pour que le monde reste jeune, ou plutôt le devienne, alors qu’il est si vieux. Cela inverse et trouble l’ordre des choses.

Ce désir de jeunesse, il le cherchait certainement chez les autres mais aussi dans l’écriture. C’est très sensible dans Les Faux-monnayeurs, mais aussi dans L’Immoraliste : un homme déjà âgé, à l’occasion d’un voyage, découvre la jeunesse comme un trésor. Toujours caché et toujours à trouver. Cela me touche d’autant plus que, à mon sens, Gide s’est toute sa vie vécu en ancien.

J’ai séjourné il y a très longtemps à Taormina où un maître d’hôtel m’a raconté avoir vu Gide, à la fin de ses jours, passer des heures à regarder la mer en répétant : «Je suis au fond un vieux Grec». Il y a tout cela chez lui : d’une part l’ancienneté du monde, l’aspiration au classicisme ; d’autre part la jeunesse en devenir et le désir de troubler.

Maurice Sachs, qui l’a fréquenté, a très justement écrit dans Le Sabbat : «Heureux Gide dont le professeur parlera en classe et dont on cachera les livres sous le traversin». C’est ce que j’ai essayé de faire vivre et vibrer dans ce film. C’est risqué parce qu’on peut aussi bien tomber dans un académisme qui oublierait le trouble que dans un trouble qui manquerait de tenue.

Bon, il se trouve que, pour Gide, ce trouble est lié à ce qu’on appelait dans l’Antiquité la philia, l’amitié vraie, avec un caractère pédagogique fort, c’est-à-dire que cela se joue d’une génération à l’autre, le plus souvent entre personnes du même sexe, et plutôt entre hommes. Cela, c’est son affaire. Il me suffit que cela renvoie à une universalité du sentiment, du désir et de l’affinité en général.

 

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Les jeunes comédiens que vous avez dirigés, qu’avaient-ils à savoir de l’ambiguïté ?

Benoit Jacquot : Il ne fallait surtout pas qu’ils la connaissent. Qu’ils la ressentent, très bien, mais que cela reste un non-dit, comme quelque chose en plus dont on n’a pas à s’occuper. Il fallait qu’ils soient dans le même état d’esprit qu’Olivier et Bernard, qu’ils ne voient que le lien, le sentiment, la façon d’être, qu’ils n’aient pas sur eux-mêmes et sur leurs personnages un regard adulte, le regard de l’individu définitivement «encoquillé» dans sa carapace.

Qu’ils soient toujours dans cet état de porosité au monde et de vulnérabilité qui est le propre de ces garçons et qu’Édouard catalyse d’une façon que les «encoquillés» appelleraient de la perversion. Justement, cela n’en est pas. Aujourd’hui, on voit les ravages du discours psy. Pas un homme, pas une femme sortant du moule qui ne soient dits pervers et hystérique. Nous voilà bien lotis. Avec Gide, ça ne marche pas.

 

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Cela signifie que l’ambiguïté est moins dans ce que vous montrez que dans le regard du spectateur ?

Benoit Jacquot : Probablement. Mais ce n’est pas tout à fait ça, encore. D’après moi, à condition de montrer vraiment, on ne peut montrer que de l’ambigu. L’ambiguïté, c’est le monde même. Chaque chose sert à ci et à ça. Et on ne fait ci qu’en ne faisant pas ça. Il suffit de poser sa caméra devant le monde pour que l’ambigu rapplique au galop. À cet égard, je me sens proche de Gide.

Propos recueillis par Christophe Kechroud-Gibassier

source

 

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VIII - liens

 

 

dossier réalisé par
Michel Renard, professeur d'histoire

 

- retour à l'accueil

18 mai 2017

histoire littéraire de la France au Moyen Âge

roman-G-de-Trazegnies
le Roman de Gillion de Trazegnies, manuscrit, 1464

 

 

histoire littéraire de la France

au Moyen Âge

 

 

Chronologie publiée dans l'Histoire littéraire de la France. I - Des origines à 1600, dir.  Pierre Abraham et Roland Desné, Éditions Sociales, 1971. Les images ont été ajoutées.

 

Histoire litt France couv

 

- VIe-IXe siècles : littérature de cour essentiellement ; rareté et cherté du parchemin ; en dehors des cours et des monastères : littérature de tradition orale.

- Grégoire de Tours : Histoire des Francs (576-591).

 

Grégoire_de_Tours,_Histoire_des_Francs,_livres_1_à_6,_page_de_frontispice
Grégoire de Tours, Histoire des Francs, livres 1 à 6, page de frontispice. Luxeuil ou Corbie, fin du VIIe s.,
BnF Manuscrits, Latin 17655 fol. 2

 

- 786 : Alcuin ( 804).

- 842 : Serments de Strasbourg entre Louis le Germanique et Charles le Chauve ; premiers textes en français.

- vers 850 : apparition du trope de l'alleluia adopté en 860 à Saint-Gall : il se transforme en "séquence" dont le forme primitive est uniquement déterminée par la musique.

- vers 881-882 : Séquence de Sainte-Eulalie (sainte espagnole du IIIe siècle) ; en français par les moines de Saint-Amand.

- fin IXe siècle : création de tropes dialogués explicitant l'élément dramatique de la liturgie.

[trope : MUS. Ornement du plain-chant grégorien au moyen d'additions, de substitutions ou d'interpolations de textes musicaux ou poétiques. Le tr[ope], comme d'ailleurs la (...) séquence, constitue un genre nouveau au sein de la catégorie des formes liturgico-musicales qui a favorisé une évolution plus rapide, dans des directions nouvelles, de la composition monodique (Mus.1976)] Cnrtl

- vers 933 : l'introït de la messe de Pâques "tropé" à Saint-Martrial (Ardèche), puis à l'abbaye de Fleury (Loiret) ; Quaem quaeritis ; point de départ des futurs jeux liturgiques.

 

Quem quaeritis - Resurrexi (chant grégorien)

 

- 950-1000 : La Passion ; Vie de Saint-Léger ; et Homélie sur Jonas : en français ; le culte de saint Léger est attesté au Xe siècle à Autun, à Poitiers.

- 977 : La Légende de saint Alexis apportée à Rome par Serge de Damas : grande vogue aux siècles suivants.

- 1000-1050 : Vie de sainte Foy et Vie de Boèce en dialectes méridionaux.

- 1050 : Vie de saint Alexis, en français
Littérature hagiographique ; historiographie.

- Xe et XIe siècles : naissance du drame liturgique en latin.
Noël : Office de l'Étoile ou de la Nativité.
Pâques : Office du Sépulcre ou de la Résurrection.

- à partir du XIe siècle : troubadours et trouvères.
Constitution d'une poésie en langue romane.

 

trouvères et troubadours
trouvères de langues d'oïl et troubadours de l'angues d'oc (source)

 

1050-1150 : le siècle héroïque, naissance de l'épopée française

 

- 1050 : dans tout l'Occident, vaste renouveau de la poésie latine d'imagination.

- apparition de la plupart des formes nouvelles qui, en latin et en roman, vont pendant plus de deux siècles définir la littérature.

- vers 1060 : Chanson de sainte Foy, en dialecte occitan du Sud ; c'est le plus ancien texte rimé et non assonancé.

 

Canco_de_Santa_Fe
quelques mots de la Chanson de sainte Foy

 

- après 1060-1070 : diffusion générale des belles-lettres sur tout le territoire situé à l'ouest de la verticale Metz-Marseille.

 

apparition des premières chansons de geste

 

- vers 1075-1100 ? : la Chanson de Roland (manuscrit d'Oxford établi par un scribe anglo-normand vers 1170).

 

Chanson Roland manuscrit Oxford - 1
Chanson de Roland, manuscrit d'Oxford, Bodleian Library, MS Digby 23, part 2, f.1r

 

Chanson Roland (4)   Chanson Roland (5)

 

Chanson Roland (2)    Chanson Roland (1)    Chanson Roland (3)

 

- importante croissante des vagants : les "Goliards" dont l'oeuvre constitue le plus authentique lyrisme des XIe, XIIe et XIIIe siècles.

- à partir de 1100-1120 : développement du drame liturgique des chansons de geste du lyrisme courtois.

- drame liturgique : les "jeux" sont de plus en plus nombreux ; décors simultanés ; Le Sponsus, Le Jeu des Vierges sages, texte poitevin.

- Beauvais, Saint-Benoît, Tours, Soissons, Lille, Limoges : chansons de geste, 1120/1130 - 1150/1160.
Couronnement de Louis - Charroi de Nîmes - Prise d'Orange, Moniage Guillaume (sorte de biographie poétique de Guillaume d'Orange) - Gormont et Isambert, 1125.

 

Charroi de Nîmes       Moniage Guillaume

 

- Le Pélerinage de Charlemagne. (Espagne : vers 1140, poème du Cid).

- lyrisme courtois - trois poètes : Cercamon, Marcabru, Jaufré Rudel.

 

Marcabru - 1
Marcabru, BnF ms. 12473 fol. 102

 

Ensemble Renaissance : Marcabru, Pax In Nomine Domini

 

 

Jaufré Rudel - 1
la mort de Jaufré de Rudel dans les bras de la comtesse Hodierne de Jérusalem,
BnF, fonds français 854, fol. 121v

 

Jaufré Rudel, No sap chantar

 

- à cette même époque remontent les plus anciens textes lyriques non courtois de la langue française :
* les chansons de toile (notées vers 1200) : Belle Erembor, Belle Idoine, Belle Doette, Belle Aiglentine.
* chansons de Guillaume d'Aquitaine, 1086-1127.
* troubadours : Peire Vidal ( vers 1205) ; Bernard de Ventadour ; Folquet de Marseille ; Bertrand de Born.

 

Bernard de Ventadour - Can vei la lauzeta mover (1145-1195)

 

naissance du roman français

 

- les romans antiques : cycle d'Alexandre le Grand (vers de 12 pieds : alexandrins).

- romans latins : de Thèbes, vers 1150 ; d'Énéas ; de Troyes.

 

Roman d'Alexandre le Grand
pages 2 et 3 du Roman d'Alexandre, BnF, manuscrit du XVe siècle, Flandre

 

- les romans bretons : cycle du Roi Arthur - Chrétien de Troyes (vers 1135-1191) : Erec (1165-1170) ; Cligès (1170-1171) ; Lancelot (1172-1175) ; Yvain-Perceval (1174-1180).

 

Table Ronde (1)
le Saint Graal apparaissant aux chevaliers de la Table Ronde, manuscrit enluminé du XVe siècle

 

Cligès couv (1)  Romans Table Ronde couv (1)   Erec couv (1)   Yvain couv (1)

 

Lancelot couv (1)      Perceval couv (1)

 

- Cycle de Tristan - Béroul et Thomas : Roman de Tristan et Yseut (1170-1190).

 

Tristan et Yseut - 1
le Roman de Tristan, manuscrit du XVe siècle, conservé au château de Chantilly

 

- Chanson de Guillaume (vers 1140).

- chanson de geste : Girard de Rossilhon.

- 1170-1175 : Wace, historien, Roman de Brut (1155) ; Roman de Rou ou Rollon (1160).

- Guernes de Pont Saint-Maxence (1174) : Vie de saint Thomas le Martyr.

- Lais de Marie de France (1160-65 à 1190).

 

Lais de Marie de France

 

- vers 1170 : les Fabliaux.

- 1174-77 : le Roman de Renart.

 

Roman de Renart (1)
Roman de Renard, Nord de la France, début XIVe, BnF manuscrit

 

Roman de Renart (2)
Roman de Renard, Nord de la France, début XIVe, BnF manuscrit

 

- les Miracles de la Vierge, conte.

- Helinant de Froidemont : les Vers de la Mort (1195-1197).

- Jeux : Adam et Ève, vers 1150-1170.

- Jeu de saint Nicolas , de Jean Bodel.

- vers 1200 : Le Courtois d'Arras.

- théâtre au XIIIe siècle : les Miracles.

- Villehardouin (1165-1203) , chroniqueur : la Conquête de Constantinople, [4e Croisade ]vers 1212.

 

Villehardouin Constantinople
Villehardouin, Conquête de Constantinople, manuscrit de 1458, BnF, ms. 24210 folio. 1r

 

- Robert de Clari.

 

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Robert de Clari, Conquête de Constantinople

 

- romans bretons - Cycle du Graal : Histoire du Saint Graal ; Histoire de Merlin ; Livre de Lancelot du Lac ; Quête du Graal ; Mort le Roi Arthur (vers 1235), de Robert de Boron.

 

Roman du Graal Robert de Boron - 1

 

- production courtoise non arthurienne : Jean Renart (1212-1213) : Guillaume de Dôle ou le Roman de la Rose ; le Lai de l'Ombre.

- Gautier de Coinci ( 1236) : Miracles de Notre-Dame ; sermon en vers de La Chasteté as nonains.

- Aucassin et Nicolette : chantefable, originaire de Picardie ou de Hainaut.

 

Aucassin et Nicolette (1)
Aucassin et Nicolette

 

Aucassin et Nicolette (2)
Aucassin et Nicolette

 

- fabliaux : La Châtelaine de Vergy.

- Le Vair Palefroi ; Huon, roi de Cambrai.

- Thibaut IV de Champagne [et roi de Navarre], troubadour.

[sur Thibaut de Champagne, dit "Le chansonnier du Roi"]

 

Thibaut de Champagne : Seigneurs, sachiez qui or ne s'en ira, par René Zosso [chant de croisade]

 

- Tannhaüser, Les Minnesinger (Allemagne).

 

Tannhaüser
Tannhaüser ( 1265)

 

- Guillaume de Lorris : Le Roman de la Rose, première partie, vers 1236.

 

Roman de la Rose (1

 

Roman de la Rose (2)

 

Roman de la Rose (3)
Le Roman de la Rose

 

- 1235-1240 : Le Privilège aux Bretons.

- développement de la littérature didactique en vers.

- poésie politique au XIIIe - troubadours occitans : Sirventes, Guillem Figuera, Peire Cardenal (originaire du Puy).

- Renard : versions nouvelles.

- milieu du XIIIe siècle : décadence de la lyrique d'oc.

 

vers 1250-1340 le siècle scolastique

 

- vers 1250 : création du théâtre comique, en relation avec la littérature bourgeoise du XIIIe notamment : région d'Arras.

- 1266 : La Paix aux Anglais.

- Dispute des deux Bourdeurs Ribauds.

- Dispute de Renart et de Peau d'Oie [débat satirique, d'origine picarde, entre un ménestrel, nommé Renart, et un clerc, appelé Piaudoué].

- Adam de la Halle : Le Bossu, comédie bourgeoise, jouée à Arras vers 1276-1277.

 

Adam de la Halle
Adam de la Halle (v. 1245 - v. 1288)

 

- Le Jeu de Robin et de Marion, pastourelle dramatique, vers 1283 (Adam de la Halle).

 

Adam de la Halle - Le jeu de Robin et Marion

 

- Le Jeu du Pélerin, par un artésien anonyme, 1290.

- Le Jeu du Garçon et de l'Aveugle : la plus ancienne de nos farces, 1275. [cf. présentation]

 

Le Garçon et l'Aveugle

 

- Le Jeu de Pierre de la Brosse, moralité politique, vers 1280.

- Rutebeuf (1230-1285 ?) : Le Miracle de Théophile ; Le Dit de l'Herberie (1260-1270) [Le Dit de l'Herbérie est un boniment de charlatan, vendeur d'herbes médicinales - voir ici] ; poésies religieuses et satiriques ; poésies personnelles [ "Que sont mes amis devenus, que j’avais de si près tenus, et tant aimés…"]

 

Rutebeuf que sont mes amis
"Que sont mes amis devenus, que j’avais de si près tenus, et tant aimés…"

 

Rutebeuf oeuvres

 

- 1274 : première rédaction en français des Grandes Chroniques de Saint-Denis [devenues Les Grandes Chroniques de France].

 

Grandes Chroniques manuscrit
Grandes Chroniques de France, manuscrit

 

Grandes Chroniques de France Mérovingiens
Grandes Chroniques de France, tome I. Origine des Francs. Clovis
par Nathalie Desgrugillers (2011)

 

 

- vers 1276 : Jean de Meung : Le Roman de la Rose, 2e partie.

- fin XIIIe siècle : le Roman de Flamenca en langue d'oc.

- Renart le Nouvel ; Couronnement de Renart.

- Joinville, chroniqueur, 1225-1319 ; Histoire de saint Louis.

 

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Joinville, Vie de saint Louis

 

- Dante Alieghieri (1262-1321), La Divine Comédie (Florence, Italie).

 

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Sandro Botticelli, Le Cratère de l’Enfer, Vatican. © Biblioteca Apostolica Vaticana.

 

515VGDXEZ3L       41ZAH9SJ9PL       9782080712189FS

 

- Chansons, rondeaux, virelais et ballades avec notation musicale.

- théâtre au XIVe siècle : naissance des Moralités et des Mystères.

- compagnies dramatiques : Confréries de la Passion, Gallants sans souci.

- Pétrarque (Italie), 1304-1374 : poèmes madrigaux [Pétrarque, Encyclopédie de l'Agora]

 

41H0MPG68HL    4111HTMSZDL

 

 

- Boccace (Italie), 1313-1375 : Le Décaméron. [du grec ancien déka, "dix", et hêméra, "jour" : cent nouvelles décrivant dix jours]

 

41GSC3ZBGML     Boccace Décaméron folio    6461

 


- 1316 : Jehan Maillart : le Roman du Comte d'Anjou.

- Gervais du Bus : le Roman de Fauvel.

 

Roman de Fauvel
Gervais du Bus : Roman de Fauvel. BnF, manuscrits français 146 fol. 285 ;
Philippe IV le Bel (ou Enguerrant de Marigny) est ici caricaturé sous forme d'un âne méchant et pervers
dont les six lettres du nom, Fauvel, sont les initiales de six vices : Flatterie, Avarice, Vilenie, Variété (Vélléité),
Envie, Lâcheté. Le texte, satirique, a été composé peu après 1316 par des membres de la chancellerie royale.

Au Moyen Âge la lettre U équivaut à la lettre V. (source)

 

- Renart le Contrefait, dû à un clerc de Troyes.

- la poésie est entièrement aux mains de la bourgeoisie ("puys") et, de plus en plus, écrite au profit des princes et des courtisans.

- orientation mondaine et décorative de la poésie (rhétorique). Raffinement. Lien étroit avec la musique.

- Guillaume de Machaut (1300-1377 : Remède de Fortune ; Jugement du roi de Behaigne ; Jugement du roi de Navarre ; Jugement d'Amour (1360) ; Livre du Voir Dit (1362) ; Jeux-partis.

 

Guillaume de Machaut : Je vivroie liement/Liement me deport

 * texte de cette chanson en ancien français

 

GUILLAUME DE MACHAUT : De Fortune Me Doi Plaindre Et Loer

(Ballade 23). Ensemble Musica Nova

 

Guillaume de Machaut : Douce dame jolie

 * magnifique poème médiéval (virelai) d'amour courtois.

* texte de cette chanson en ancien français

* texte en ancien français et en français moderne

 

- théâtre : Les Miracles de Notre-Dame.

- Robert le Diable.

- Amis et Amile.

- Berthe aux Grands Pieds.

- Le Baptême de Clovis.

- Geoffrey Chaucer (Angleterre), 1340-1400 : Les Contes de Canterbury.

 

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Geoffrey Chaucer (XIVe siècle, Angleterre)

 

Chaucer (1)
Contes de Canterbury, Geoffroy Chaucer

 

Chaucer (2)    Chaucer (3)

 

- Eustache Deschamps, v. 1346-1406, Champenois : Ballades, rondeaux, virelais, l'Art de dictier et de faire chansons.

- comédies d'Eustache Deschamps : Farce de Maître Trubert et Antroignart (1392) ; Dit des Quatre offices de l'Ostel du Roy (1392) ; Geta ; Le Mirouer de Mariage.

 

Eustache Deschamps Art dictier  Eustache Deschamps

 

- Oton de Granson, chevalier-poète (v. 1350-1395) : ballades, chansons, virelais.

- 1388  : Boucicaut [et autres auteurs dont Jean le Seneschal], Livre des Cent Ballades.

 

Cent Ballades - 1

 

- Grisélidis, moralité pathétique jouée en 1395 par les clercs de la Basoche devant Charles VI.

- Froissart (v. 1335 - v. 1405), Chroniques.

 

Froissart Chronoqies couv

 

Froissart guerre Cent ans couv
Jean Froissart, extrait des Chroniques

 

- Christine de Pisan (1364-1431) : Epistre du Dieu d'Amour (1399) ; Le Chemin de longue étude (1402) ; Querelle du Roman de la Rose (vers 1400) ; Dit de la Pastoure.

 

Pisan (1)  Pisan (2)

 

Pisan (3)   Pisan (4)

 

Pisan (5)

 

- vers 1400 (anonyme), Les XV Joyes du Mariage.

 

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Les Quinze Joies du Mariage (anonyme)

 

- 1401 : la Cour d'Amour, de Charles VI [jeux courtois].

- le théâtre au XVe siècle : Mystères, moralités, soties, farces.

- poésie : Arts de seconde rhétorique, éclos au sein des cours des mécènes ; Berry, Bourgogne, Blois, Provence...

- Charles d'Orléans (1394-1465), prisonnier des Anglais de 1415 à 1440.

 

Charles d'Orléans (1) - 1  Charles d'Orléans (2) - 1

 

- Alain Chartier (1385-1429) : Le Livre des quatre Dames (1416) ; Quadrilogue invectif (1422) ; Belle Dame sans Mercy (fin 1424) ; L'Espérance ou Consolation des trois Vertus (1428).

 

Chartier manuscrit couv
Oeuvres diverses d'Alain Chartier, manuscrit XVe siècle, BnF, Département des manuscrits, Français 24440

 

Chartier (1)   Chartier (2)

 

- Le roi René, duc d'Anjou : Livre du Coeur d'amour espris (1457).

- Christine de Pisan (1364-1431) : La Cité des Dames (v. 1404), Dittié à la louange de Jeanne d'Arc (1429), Livre des faits et bonnes moeurs du roi Charles V.

- Jouvenel des Ursins (1380-1422) : Chronique de Charles VI ; Le Miroir du salut humain (vers 1430).

- François Villon (1431 ? - 1465 ?).

- Eustache Marcadé [mort en 1440] : Passion, dite d'Arras ; Mystère de la Vengeance et Destruction de Jérusalem.

 

Marcadé enluminure
Mystère de la Vengeance, enluminure de Loyset Liédet (v. 1420-1479) :
l'empereur Vespasien, frappé par la lèpre reçoit des soins

 

- vers 1440 : Mystère du siège d'Orléans.

- 1440 : Charles d'Orléans à Blois, les tournois poétiques : Chansons et rondeaux.

- l'Imitation de Jésus-Christ, manuscrit d'Anvers.

- la Farce du Cuvier.

- la Farce du Pâté et de la Tarte.

 

Farce pâté et tartre - 1

 

- Commynes (1447-1511).

- Arnould Gréban : La Passion (1452). Espagne : les Cancioneros.

- 1456 : le Petit Testament, de Villon.

- 1461 : le Grand Testament.

 

Villon poésies complètes

 

- 1462 : Antoine de la Salle ou Philippe Pot : Cent Nouvelles nouvelles.

- 1464 : Farce de Maître Pathelin.

 

Farce Maître Pathelin (1)    Farce Maître Pathelin (2)

 

- Erasme de Rotterdam (1467-1536).

- Le Franc Archer de Bagnolet [monologue, 1468 ?]

 

le Franc-archer de Bagnolet anonyme

 

- 1470 : Jean Meschinot, Les Lunettes des Princes.

- vers 1471 : G. Chastellain [1415-1475] : Chroniques des ducs de Bourgogne.

 

Chastellain (2)
Charles le Téméraire en tenue de deuil noire, à la mort de Philippe le Bon,
mss, fr. 2689, f. 10, Chronique des ducs de Bourgogne, Georges Chastellain

 

Chastellain (1)
Chronique des ducs de Bourgogne,
Georges Chastellain, éd. 1827

 

- L'Arioste (Italie) : 1475-1533 [poète : Orlando Furioso (Roland Furieux)].

- Thomas More (Angleterre) : 1478-1535 [L'Utopie, 1516].

- vers 1484 : Malory, la Mort d'Arthur [compilation de romans français et anglais].

 

La Mort d'ARthur (1)   La Mort d'Arthur (2)

 

- 1486 : Jean Michel, Passion.

- Martial d'Auvergne : Danse macabre des Hommes [Danse macabre des femmes...].

 

Martial d'Auvergne (1) - 1     Martial d'Auvergne (2) - 1

 

Danse macabre des femmes (1)
illustration pour La Danse macabre des femmes, édition de 1491 (Gallica BnF)

 

Martial d'Auvergne (3) - 1
Martial d'Auvergne

 

- 1489-1498 : Commynes, Mémoires.

- 1490 : Lefèvre d'Étaples, Introduction à la métaphysique d'Aristote.

- Rabelais : 1490-1553.

- Amadis de Gaule et les romans de chevalerie en Espagne.

 

Amadis de Gaule (1)      Amadis de Gaule (2)

 

- Clément Marot : 1496-1544.

- diffusion totale de la langue d'oïl dans la France entière.

 

iconographie : Michel Renard
professeur d'histoire

 

___________________________

 

 

"La Classe de français", collection Pierre Clarac

le Moyen Âge, 3e

André SIMON (1943)

 

Clarac couv

 

Le 23 décembre 1941, un arrêté du ministère de l'Éducation nationale décide de maintenir l'étude de la littérature médiévale au programme de la classe de Troisième. Il est prévu que cet enseignement s'appuie sur une Anthologie du Moyen Âge.

André Simon, professeur agrégé, alors en poste au lycée Louis-le-Grand à Paris, rédige un ouvrage répondant à cette finalité. Il est publié dans la collection "La Classe de français" dirigée par Pierre Clarac (1894-1986), inspecteur général, chez l'éditeur Belin.

Nous utilisons, ici, la troisième édition parue au 2e trimestre de l'année 1943. Son titre de couverture est Le Moyen Âge, 3e. En 1949 et en 1953, ce manuel était encore publié (cf. catalogue de la BnF).

André Simon était professeur de Première supérieure (khâgne) au lycée Henri IV à Paris en 1956. Peut-être figure-t-il sur cette photo ?

Michel Renard
professeur d'histoire

 

classe Khagne Henri IV 1956-57
la classe de khâgne au lycée Henri IV à Paris, en 1956-1957 : trois professeurs sont au centre ;
celui de gauche est peut-être André Simon, professeur de Lettres...

 

Clarac couv int
Le Moyen Âge, classe de 3e, par André Simon (1943)

 

 

une anthologie de la littérature médiévale en

20 tableaux chronologiques

André Simon (1943)

 

Les tableaux chronologiques, comme les commentaires qui les suivent, sont de André Simon.

 

___________________

 

tab chap premier

 

la littérature au XIIe siècle

 

Clarac (1)

 

Le nom de "Chansons de geste" (du latin gesta, pris au sens de "récit historique") était donné à des romans de chavalerie en vers. Faites pour être chantées par les jongleurs avec accompagnement de la vielle, elles étaient composées de couplets assonancés appelés laisses.

Doivent-elles leur naissance, comme la cru M. Bédier, au culte des héros locaux, soigneusement entretenu par les clercs, dans les sanctuaires qui jalonnaient les routes de pèlerinage ? Ou dérivent-elles de poèmes plus anciens, inspirés par des faits contemporains ? Toujours est-il que le fond historique, quand il existe, apparaît singulièrement déformé et embelli par la légende.

 

tab 2

 

tab 3

 

tab 4

 

tab 5 - 1

tab 5 bis - 1

 

tab 6

 

tab 7

 

___________________

 

chap 2

 

de l'avènement de Saint-Louis (1226)

au début de la guerre de Cent Ans (1337)

 

chap 2 tab 1

 

chap 2 tab 2

 

chap 2 tab 3

 

chap 2 tab 4 a

chap 2 tab 4 b

 

chap 2 tab 5

 

chap 2 tab 6

 

chap 2 tab 7

 

___________________

 

chap 3

 

 la littérature de la guerre de Cent Ans (1337-1453)

 

chap 3 tab 1

 

chap 3 tab 2

 

___________________

 

chap 4

 

l'avènement de l'esprit moderne

 

chap 4 tab 1

 

chap 4 tab 2 a

chap 4 tab 2 b

 

chap 4 tab 3 a

chap 4 tab 3 b

 

chap 4 tab 4

___________________

 

reliure Mémoires de Commynes - 1
Mémoires de Commynes (rédigés entre 1489 et 1498)

 

André Simon peut-être - 1
peut-être André Simon
en 1956...

 

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17 mai 2017

écrivains français et écoles littéraires de 1870 à 1950 : panorama

bouquinistes 1930 Pierre de Belay
Les bouquinistes, 1930, Pierre de Belay

 

écrivains français et écoles littéraires

de 1870 à 1950

 

Tous les grands écrivains sont nés avant 1914.

La période 1870-1950 ne présente pas d'unité sur le plan littéraire. Mais elle constitue le socle de références des générations actives dans les années 1920-1950 et même après.

Il est difficile de présenter un panorama chronologique des écrivains. Car quelle chronologie adopter ? Les dates de naissance et de mort ne recouvrent pas toujours la période d'activité littéraire. On a pourtant choisi l'ordre de naissance.

De même, pour les auteurs nés au XIXe siècle, on a retenu ceux qui ont marqué au moins les trente dernières années du siècle. Pour les naissances au XXe siècle, on s'est arrêté à 1914.

[travail en cours : les titres des oeuvres sont à venir]

[j'ai réalisé ce panorama photographique quand je me suis aperçu que les élèves d'une classe de Seconde n'étaient pas capables de citer cinq (!!) auteurs du XXe siècle]

 

 

écrivains français

nés entre 1840 et 1914

 

 

Alphonse DAUDET (1840-1897)

Alphonse Daudet (1)  Alphonse Daudet (2)

 

 

 

Émile ZOLA (1840-1902)

Émile Zola (1)  Émile Zola (2)

 

 

 

Jules CLARÉTIE (1840-1913)

Jules Clarétie (1)  Jules Clarétie (2)  Jules Clarétie (3)

 

 

 

Charles CROS (1842-1888)

Charles Cros (1)  Charles Cros (2)

 

 

 

Stéphane MALLARMÉ (1842-1898)

  Mallarmé (4)  Mallarmé (1)  Mallarmé (2)

 

Mallarmé (3)

 

 

 

José-Maria de HÉRÉDIA (1842-1905)

José-Maria-de Hérédia (1)  José-Maria-de Hérédia (2)  José-Maria-de Hérédia (3)

 

 

 

 

François COPPÉ (1842-1908)

François Coppé (1)  François Coppé (2)

 

 

 

 

Paul VERLAINE (1844-1896)

Verlaine (1)  Verlaine (2)  Verlaine (3)

 

 

 

Anatole FRANCE (1844-1924)

Anatole France (1)   Anatole France (2)

 

 

 

Prix Nobel en 1921, mais écrivain le plus insulté de France après sa mort.

 

 

 

Léon BLOY (1846-1917)

Léon Bloy (1)   Léon Bloy (2)

 

 

 

 

Joris-Karl HUYSMANS (1848-1907)

Huysmans (1)   Huysmans (2)

 

 

 

Octave MIRBEAU (1848-1917)

Mirbeau (1)   Mirbeau (2)

 

 

 

 

 

GYP, Sybille Riquetti de Mirabeau (1849-1932)

Gyp (1)  Gyp (2)  Gyp (3)

 

A écrit 120 ouvrages.

 

 

 

Pierre LOTI (1850-1923)

Loti (1)   Loti (2)   Loti (3)

 

 

 

Léon HENNIQUE (1850-1935)

Léon Hennique (1)   Léon Hennique (2)

 

 

 

 

 

Élémir BOURGES (1852-1925)

Élémir Bourges (1)  Élémir Bourges (2)

 

 

 

 

Paul BOURGET (1852-1935)

Paul Bourget (1)  Paul Bourget (2)  Paul Bourget (3)

     

 

 

 

Arthur RIMBAUD (1854-1891)

moton1445

 

 

 

 

 

Alphonse ALLAIS (1854-1905)

Allais (1)   Allais (2)

 

 

 

 

Émile VERHAEREN (1855-1916)

Verhaeren (1)  Verhaeren (2)

 

 

 

La lecture, 1903
La lecture, tableau de Théo Van Rysselberghe, 1903

 

 

 

Gustave GEFFROY (1855-1926)

Gustave Geffroy (1)   Gustave Geffroy (2)

 

 

 

 

Joseph-Henri ROSNY aîné (1856-1940) 

Rosny aîné (1)   Rosny aîné (2)

 

La guerre du feu, 1909-1911

 

 

 

 

Jules LEMAÎTRE (1858-1915)

Jules Lemaître (1)  Jules Lemaître (2)

 

 

 

Rémy de GOURMONT (1858-1915)

Rémy de Gourmont (1)  Rémy de Gourmont (2)

 

 

 

 

COURTELINE (1858-1929)

Courteline (1)   Courteline (2)

 

 

 

 

J.-H. ROSNY jeune (1859-1948)

Rosny jeune (1)   Rosny jeune (2)

 

 

 

 

Jules LAFORGUE (1860-1887)

Jules Laforgue (1)  Jules Laforgue (2)

 

 

 

 

Paul MARGUERITTE (1860-1918)

Paul Margueritte (1)  Paul Margueritte (2)

 

 

 

 

 

Lucien DESCAVES (1861-1949)

Lucien Descaves (1)   Lucien Descaves (2)

Libertaire.

 

 

 

Georges DARIEN (1862-1921)

Georges Darien (1)   Georges Darien (2)

 

 

 

 

Georges FEYDEAU (1862-1921)

Feydeau (1)  Feydeau (2)

 

 

 

 

 

Maurice BARRÈS (1862-1923)

Barrès (1)  Barrès (2)  Barrès (3)

 

 

 

Jules RENARD (1864-1910)

Jules Renard (2)  Jules Renard (1)

  

 

 

Victor MARGUERITTE (1866-1942)

Victor Margueritte (1)  Victor Margueritte (2)

 

La Garçonne (1922)

 

 

 

Romain ROLLAND (1866-1944)

Romain Rolland (1)  Romain Rolland (2)  Romain Rolland (3)

 

 

 

 

Tristan BERNARD (1866-1947)

Tristan Bernard (1)  Tristan Bernard (2)  Tristan Bernard (3)

 

 

 

 

Léon DAUDET (1867-1942)

Léon Daudet (1)  Léon Daudet (2)  Léon Daudet (3)

 

 

 

 

Edmond ROSTAND (1868-1918)

Edmond Rostand (1)  Edmond Rostand (2)  Edmond Rostand (3)

 

 

 

 

Gaston LEROUX (1868-1927)

Gaston Leroux (1)  Gaston Leroux (2)  Gaston Leroux (3)

 

 

 

 

Charles MAURRAS (1866-1952)

Charles Maurras (1)  Charles Maurras (2)  Charles Maurras (3)  

  

 

 

 

 

Francis JAMMES (1866-1938)

Francis Jammes (1)  Francis Jammes (2)   Francis Jammes (3)

 

 

 

Paul CLAUDEL (1868-1955)

Paul Claudel (1)  Paul Claudel (2)  Paul Claudel (3)

 

 

 

 

André SUARÈS (1868-1948)

André Suarès (1)   André Suarès (2)   André Suarès (3)

 

 

 

 

André GIDE (1869-1951)

André Gide (1)  André Gide (2)  André Gide (3)

 

 

 

 

Pierre LOUŸS (1870-1925)

Pierre Louÿs (1)  Pierre Louÿs (2)  Pierre Louÿs (3)  Pierre Louÿs (4)

 

 

 

 

Henry BORDEAUX (1870-1963)

Henry Bordeaux (1)  Henry Bordeaux (2)  Henry Bordeaux (3)

 

 

 

 

Marcel PROUST (1871-1922)

Proust (1)  Proust (2)  Proust (3)

 

Pourquoi les phrases de Proust sont-elle si longues ?

"Proust, dans la composition de ses phrases, s’approche de la démarche impressionniste ou du pianiste virtuose interprétant une sonate. Il actionne dans sa composition stylistique les différentes notes de sa gamme littéraire pour faire entendre l’étendue et la profondeur des impressions vécues. Ces différentes touches d’impression au sein du même ensemble ont chacune leur tension et leur profondeur respective.

Et c’est de ces enchaînements multiples de variations dans la composition de chaque phrase que naissent parfois les difficultés du lecteur à ajuster son attention à la mesure du tempo littéraire.

Pour décrire une situation ou une action, Proust n’entend pas rester dans l’évocation du visible, il essaie d’embrasser et de capter l’ensemble d’une réalité et d’en retranscrire le contenu sensible. Pour Ramon Fernandez : «Le Temps perdu satisfait constamment l’esprit parce qu’il intègre, à chaque moment considéré, la somme totale des représentations que nous pouvons avoir à ce moment là.»

Synoptique, l’écriture proustienne reflète la conception qu’a son auteur de l’art, à savoir transmettre l’incommunicable pour ouvrir le lecteur aux mondes intérieurs. Une grande œuvre se doit de faire oublier la subjectivité de l’auteur pour briser les carcans qui séparent les hommes entre eux : «L’art déchire les voiles qui séparent les individus les uns des autres et sur lesquels ils dessinent, pour l’usage social, de grossières approximations d’eux-mêmes.» Loin d’obscurcir le propos et la pensée de son auteur, la phrase proustienne dévoile les replis de l’âme."

magazine en ligne PHILITT (cet article est basé sur l'analyse de Ramon Fernandez)

 

 

 

Paul VALÉRY (1871-1945)

Paul Valéry (1)  Paul Valéry (2)  Paul Valéry (3)

  • La soirée avec M. Teste, 1896.
  • La Jeune Parque, 1917.

 "Nous autres, civilisations, nous savons que nous sommes mortelles".

 

 

 

Paul LÉAUTAUD (1872-1956)

Léautaud (1)  Léautaud (2)  Léautaud (4)  Léautaud (3)

 

Journal littéraire

 

 

Alfred JARRY (1873-1907)

Jarry (1)  Jarry (2)  Jarry (3)

 

Ubu roi

 

 

Charles PÉGUY (1873-1914)

Péguy (1)  Péguy (2)  Péguy (3)

 

Les Cahiers de la Quinzaine

 

 

 

Henri BARBUSSE (1873-1935)

Barbusse (1)  Barbusse (2)  Barbusse (3)

 

 

 

 

COLETTE (1873-1954)

Colette (1)  Colette (2)  Colette (3)

 

 

 

 

Albert THIBAUDET (1874-1936)

Thibaudet (1)  Thibaudet (3)  Thibaudet (2)

 Critique littéraire

 

 

 

comtesse Anna de NOAILLES (1876-1933)

Anna de Noailles (1)  Anna de Noailles (2)  Anna de Noailles (3)

 

Anna de Noailles (5)

 

 

 

Max JACOB (1876-1944)

Max Jacob (1)  Max Jacob (2)  Max Jacob (3)

 

 

 

 

Léon-Paul FARGUE (1876-1947)

Léon-Paul Fargue (1)  Léon-Paul Fargue (2)  Léon-Paul Fargue (3)


Léon-Paul Fargue (4)

 

 

 

 

Victor SEGALEN (1878-1919)

Segalen (1)  Segalen (2)  Segalen (3)

 

Segalen (4)

 

 

 

Valéry LARBAUD (1881-1957)

Larbaud (1)  Larbaud (2)  Larbaud (3)

 

 

 

 

 

Roger MARTIN du GARD (1881-1958)

Roger Martin du Gard (1)  Roger Martin du Gard (2)  Roger Martin du Gard (3)

 

 

 

Jean GIRAUDOUX (1882-1944)

Jean Giraudoux (1)  Jean Giraudoux (2)  Jean Giraudoux (3)

 

 

 

 

Pierre MAC-ORLAN (1883-1970)

Mac Orlan (1)  Mac Orlan (2)  Mac Orlan (3)

 

 

 

 

Jules SUPERVIELLE (1884-1960)

Supervielle (1)   Supervielle (2)

 

 

 

 

Georges DUHAMEL (1884-1966)

Georges Duhamel (1)  Georges Duhamel (2)  Georges Duhamel (3)

 

 

 

 

Jacques CHARDONNE (1884-1968)

Chardonne (1)  Chardonne (2)  Chardonne (3)

 

 

 

 

Jean PAULHAN (1884-1968)

Paulhan (1) jpg  Paulhan (2)  Paulhan (3)

 

 

 

 

Sacha GUITRY (1885-1957)

Sacha Guitry (1)   Sacha Guitry (2)   Sacha Guitry (3)

Auteur dramaturge, metteur de scène de théâtre, cinéaste.
"La Libération ? J'en ai été le premier prévenu".

Sacha Guitry (4)
Sacha Guitry, "arrêté" par les FFI à Paris, le 23 août 1944

 

 

 

 

André MAUROIS (1885-1967)

André Maurois (1)  André Maurois (2)  André Maurois (3)

 

 

 

 

Jules ROMAINS (1885-1972)

Jules Romains (1)  Jules Romains (2)  Jules Romains (3)  Jules Romains (4)

 

 

 

Maurice DEKOBRA (1885-1973) 

Maurice Dekobra (1)  Maurice Dekobra (2)  Maurice Dekobra (3)

 

 

 

ALAIN-FOURNIER (1886-1914)

Alain-Fournier (1)  Alain-Fournier (2)  Alain-Fournier (3)

 

  • Le grand Meaulnes, 1913.

 

 

 

Francis CARCO (1886-1958)

Carco (1)  Carco (2)  Carco (3)

 

 

 

 

Pierre BENOIT (1886-1962)

Pierre Benoit (1)  Pierre Benoit (2)  Pierre Benoit (3)

 

Pierre Benoit (4)  Pierre Benoit (5)  Pierre Benoit (6)  Pierre Benoit (7)

 

 

 

 

Roland DORGELÈS (1886-1973)

Dorgelès (1)  Dorgelès (2)  Dorgelès (3)

 

 

 

Blaise CENDRARS (1887-1961)

Blaise Cendrars (1)  Blaise Cendrars (2)  Blaise Cendrars (3)

 

 

 

 

François MAURIAC (1887-1970)

Mauriac (1)  Mauriac (2)  Mauriac (3)

 

 

 

Georges BERNANOS (1888-1948)

Bernanos (1)  Bernanos (2)  Bernanos (3)

 

 

 

 

Henri BOSCO (1887-1976)

Henri Bosco (1)  Henri Bosco (2)  Henri Bosco (3)

 

 

 

 

Marcel JOUHANDEAU (1888-1979)

Jouhandeau (4)  Jouhandeau (1)  Jouhandeau (2)  Jouhandeau (3)

 

Jeunesse Théophile  Jouhandeau (5)

 * j'ai rédigé une page Wikipédia sur La jeunesse de Théophile.

 

 

Jacques de LACRETELLE (1888-1985)

Lacretelle (1)  Lacretelle (2)  Lacretelle (3)

 

 

 

 

Paul MORAND (1888-1976)

Paul Morand (1)  Paul Morand (2)  Paul Morand (3)

 

 

 

 

Pierre REVERDY (1889-1960)

Pierre Reverdy (1)  Pierre Reverdy (2)  Pierre Reverdy (3)

 

 

 

Maurice GENEVOIX (1890-1980)

Genevoix (1)  Genevoix (2)  Genevoix (3)

 

 

 

 

Maurice BLANCHARD (1890-1960)

Maurcie Blanchard (1)  Maurcie Blanchard (2)  Maurcie Blanchard (3)

 

Poète.

 

 

 

Jean COCTEAU (1892-1963)

Cocteau (1)  Cocteau (2)  Cocteau (3)  Cocteau (4)

 

 

 

 

Pierre DRIEU la ROCHELLE (1893-1945)

Drieu (1)  Drieu (2) jpg  Drieu (3)

 le suicide de Drieu la Rochelle, le 15 mars 1945

 

 

 

Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961)

Céline (1)  Céline (2)  Céline (3)

 

  • Voyage au bout de la nuit

 

Céline (4)  Céline (5)  Céline (6)

 

 

 

Joseph DELTEIL (1894-1978)

Joseph Delteil (1)  Joseph Delteil (2)

 

 

 

 

 

Ramon FERNANDEZ (1894-1944)

Ramon Fernandez (1)  Ramon Fernandez (2)  Ramon Fernandez (3)

 

 

 

Ramon Fernandez (4)   Ramon Fernandez (5)

 

 

 

 

 

Paul ÉLUARD (1895-1952)

Éluard (1)  Éluard (2)  Éluard (3)  Éluard (4)

 

 

 

 

Jean GIONO (1895-1970)

Giono (1)  Giono (2)  Giono (3)  Giono (4)

 

 

 

 

Gabriel CHEVALLIER (1895-1969)

Gabriel Chevallier (1)  Gabriel Chevallier (2)  Gabriel Chevallier (3) - 1  Gabriel Chevallier (4)

 

Gbriel Chavallier (5)  Gbriel Chavallier (6)

 

 

 

 

Henry de MONTHERLANT (1895-1972)

Montherlant (1)  Montherlant (2)  Montherlant (3)  Montherlant (4)

 

 

 

 

Marcel PAGNOL (1895-1974)

Pagnol (1)  Pagnol (2)  Pagnol (3)  Pagnol (4)

 

 

 

Albert COHEN (1895-1981)

Albert Cohen (1)  Albert Cohen (2)  Albert Cohen (3)

 

 

 

 

Antonin ARTAUD (1896-1948)

Artaud (1)  Artaud (2)  Artaud (3)  Artaud (4)

 

 

 

 

André BRETON (1896-1966)

Breton (1)  Breton (2)  Breton (3)  Breton (4)

 

 

 

 

Tristan TZARA (1896-1963)

Tzara (1)  Tzara (2)  Tzara (3)  Tzara (4)

 

 

 

 

Maurice MARTIN du GARD (1896-1970)

Maurice Martin du Gard (1)  Maurice Martin du Gard (3)  Maurice Martin du Gard (2)

 

 

Maurice Martin du Gard (4)

 

 

 

Louis ARAGON (1896-1982)

Aragon (1)  Aragon (2)  Aragon (3)  Aragon (4)

 

 

 

 

Philippe SOUPAULT (1897-1990)

Soupault (1)  Soupault (2)  Soupault (3)  Soupault (4)

 

________________

 

le débat Gide/Barrès sur l'enracinement

 

"Né à Paris, d’un père Uzétien et d’une mère Normande, où voulez-vous, Monsieur Barrès, que je m’enracine ?"

Daté de décembre 1897 et publié en 1898 dans L’Ermitage, repris en 1903 dans Prétextes ; établi sur la septième édition (1919). Le texte fait partie d’une polémique avec Barrès et Maurras (cf. La Querelle du peuplier) et plusieurs autres auteurs.

 

cf. "À propos des Déracinés"

 

________________ 

 

 

Emmanuel BOVE (1898-1945)

Emmanuel Bove (1)  Emmanuel Bove (2)  Emmanuel Bove (3)  Emmanuel Bove (4)

 

 

 

 

Joseph KESSEL (1898-1979)

Kessel (1)  Kessel (2)  Kessel (3)  Kessel (4)

     

 

 

 

 

Roger VITRAC (1899-1952)

Roger Vitrac (1)  Roger Vitrac (2)  Roger Vitrac (3)  Roger Vitrac (4)

 

 

 

 

Jacques AUDIBERTI (1899-1965)

Audiberti (1)  Audiberti (2)  Audiberti (3)  Audiberti (4)

 

 

 

 

Marcel ACHARD (1899-1974)

Achard (1)  Achard (2)  Achard (3) jpg

 

 

 

Louis GUILLOUX (1899-1980)

Louis Guilloux (1)  Louis Guilloux (2)  Louis Guilloux (3)  Louis Guilloux (34

 

 

 

Henri MICHAUX (1899-1984)

Henri Michaux (1)  Henri Michaux (2)  Henri Michaux (3)  Henri Michaux (4)

 

 

 

 

Marcel ARLAND (1899-1986)

Marcel Arland (1)  Marcel Arland (2)  Marcel Arland (3)  Marcel Arland (4)

 

NRF

 

 

 

Armand SALACROU (1899-1989)

Salacrou (1)  Salacrou (2)  Salacrou (3)

Auteur dramatique, théâtre.

 

 

 

Francis PONGE (1899-1988)

Francis Ponge (1)  Francis Ponge (2)  Francis Ponge (3)  Francis Ponge (4)

 

Francis Ponge et les surréalistes

 

 

 

René CREVEL (1900-1935)

Crevel (1)  Crevel (2)  Crevel (3)  Crevel (4)

 

 

Crevel (5)  Crevel (6)

 

 

 

Gabriel AUDISIO (1900-1978)

Audisio (1)  Audisio (2)  Audisio (3)  Audisio (4)

 

 

 

 

Antoine de SAINT-EXUPÉRY (1900-1944)

Saint-Exupéry (1)  Saint-Exupéry (3)  Saint-Exupéry (2)  Saint-Exupéry (4)

 

 

 

Robert DESNOS (1900-1945)

Desnos (1)  Desnos (2)  Desnos (3)  Desnos (4)

 

 

Desnos (5)

 

 

 

DANIEL-ROPS (1900-1965)

Daniel-Rops (1)  Daniel-Rops (2)  Daniel-Rops (3)  Daniel-Rops (4)

 

 

 

 

André CHAMSON (1900-1983)

André Chamson (1)  André Chamson (2)  André Chamson (3) - 1  André Chamson (4)

 

 

 

 

André DHÔTEL (1900-1991)

André Dhôtel (1)  André Dhôtel (2)  André Dhôtel (3)  André Dhôtel (4)

 

 

 

 

Julien GREEN (1900-1998)

Julien Green (1)  Julien Green (2)  Julien Green (3)  Julien Green (4)

 

 

 

Jacques PRÉVERT (1900-1977)

Prévert (1)  Prévert (2)  Prévert (3)  Prévert (4)

 

 

 

Nathalie SARRAUTE (1900-1999)

Nathalie Sarraute (1)  Nathalie Sarraute (2) jpg  Nathalie Sarraute (3)  Nathalie Sarraute (4)

 

 

 

Michel LEIRIS (1901-1990)

Michel Leiris (1)  Michel Leiris (2)  Michel Leiris (3)  Michel Leiris (4)

 

 

 

 

André MALRAUX (1901-1976)

Malraux (1)  Malraux (2)  Malraux (3)  Malraux (4)

 

 

 

Alexandre VIALATTE (1901-1971)

Vialatte (1)  Vialatte (2)  Vialatte (3)  Vialatte (4)

 

 

 

 

Marcel AYMÉ (1902-1967)

Marcel Aymé (1)  Marcel Aymé (2)  Marcel Aymé (3)  Marcel Aymé (4)

 

Marcel Aymé (5)

 

 

 

Raymond RADIGUET (1903-1923)

Radiguet (1)  Radiguet (2)  Radiguet et Cocteau (1)
                                                                                                          Radiguet et Cocteau

  • Le diable au corps, 1923.
  • Le bal du comte d'Orgel, 1924

 

 

 

Irène NÉMIROVSKY (1903-1942)

Némirovsky (1)  Némirovsky (2)  Némirovsky (3)  Némirovsky (4)

Morte à Auschwitz.

  • David Golder, 1929.
  • Suite française, [1942], 2004.

Le livre Suite française n'était d'un manuscrit oublié dans une petite valise que la fille de l'auteur, Denise Epstein, a retrouvé et transcrit en 2004. Il est devenu un succès mondial.  Lire ici.

 

 

 

Lucien REBATET (1903-1972) 

Rebatet (1)  Rebatet (2)  Rebatet (3)
                                                                                               Lucien Rebatet, jugé en novembre 1946

Écrivain fasciste et antisémite.

Rebatet (4)

 

 

 

Raymond QUENEAU (1903-1976)

Queneau (1)  Queneau (2)  Queneau (3)  Queneau (4)

 

 

 

 

Marguerite YOURCENAR (1903-1987)

Yourcenar (1)  Yourcenar (2)  Yourcenar (3)  Yourcenar (4)

 

 

 

 

Jean TARDIEU (1903-1995)

Jean Tardieu (1)  Jean Tardieu (2)  Jean Tardieu (3)  Jean Tardieu (4)

 

 

 

Jean-Paul SARTRE (1905-1980)

Sartre (1  Sartre (2)  Sartre (3)  Sartre (4)

 

 

 

 

Maurice SACHS (1906-1945)

Sachs (1)  Sachs (2)  Sachs (3)  Sachs (4)

 

Maurice Sachs par Henri Raczymow 1988

 

 

 

 

Samuel BECKETT (1906-1989)  

Beckett (1)  Beckett (2)  Beckett (3)  Beckett (4)

 

 

 

 

Roger VAILLAND (1907-1965)

Roger Vailland (1)  Roger Vailland (2)  Roger Vailland (3)

 

Roger Vailland (4)

 

 

 

René CHAR (1907-1988)

René Char (1)  René Char (2)  René Char (3)  René Char (4) jpg

Poète

 

 

Roger PEYREFITTE (1907-2000)

Roger Peyrefitte (1)  Roger Peyrefitte (2)  Roger Peyrefitte (3)  Roger Peyrefitte (4)

 

 

 

Jules ROY (1907-2000)

Jules Roy (1)  Jules Roy (2)  Jules Roy (4)  Jules Roy (3)


Jules Roy (5)

 

 

 

Simone de BEAUVOIR (1908-1986)

Simone de Beauvoir (1)  Simone de Beauvoir (2)  Simone de Beauvoir (3)  Simone de Beauvoir (4)

 

 

 

 

Robert MERLE (1908-2004)

Robert Merle (1)  Robert Merle (2)  Robert Merle (3)  Robert Merle (4)

 

 

 

________________

 

Diapositive1

Diapositive2

Diapositive3
la NRF, par Dominique Fernandez (source)

 

 

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Simone WEIL (1909-1943)

Simone Weil (1)  Simone Weil (2)  Simone Weil (3)  Simone Weil (4)

Philosophe.

 

 

 

 

Roger BRASILLACH (1909-1945)

Brasillach (1)  Brasillach (2)  Brasillach (3)  Brasillach (4)

 

Collaborateur antisémite. Fusillé à la Libération.

Brasillach couv

 

 

 

Léo MALET (1909-1996)

Léo Malet (1)  Léo Malet (2)  Léo Malet (3)  Léo Malet (4)

 

 

 

 

 

 

Eugène IONESCO (1912-1984)

Ionesco (1)  Ionesco (2)  Ionesco (3)  Ionesco (4)

 

  • "L'univers de chacun est universel", Antidodes.
  • "hélas, l'humanisme s'en va en morceaux", Antidotes.

 

Ionesco (5)  Ionesco (6)  Antidotes Ionesco

 

 

 

Jean GENET (1910-1986)

Jean Genet (1)  Jean Genet (2)  Jean Genet (3)  Jean Genet (4)

 

 

 

 

Jean ANOUILH (1910-1987)

Jean Anouilh (1)  Jean Anouilh (2)  Jean Anouilh (3)  Jean Anouilh (4)

Écrivain et dramarturge.

Jean Anouilh (5)  Jean Anouilh (6)  Jean Anouilh (7)

 

 

 

Julien GRACQ (1910-2007)

Julien Gracq (1)  Julien Gracq (2)  Julien Gracq (3)  Julien Gracq (4)

 

 

 

 

 

 

Edmond JABÈS (1912-1991)

Edmond Jabès (1)  Edmond Jabès (2)  Edmond Jabès (3) jpg  Edmond Jabès (4)

 

 

 

Albert CAMUS (1913-1960)

Camus (1)  Camus (2)  Camus (3)  Camus (4)

 

 

 

 

Claude SIMON (1913-2005)

Claude Simon (1)  Claude Simon (2)  Claude Simon (3)  Claude Simon (4)

 

 

 

 

Aimé CÉSAIRE (1913-2008)

Aimé Césaire (1)  Aimé Césaire (2)  Aimé Césaire (3)  Aimé Césaire (4)

 

Aimé Césaire (5)  Aimé Césaire (6)  Aimé Césaire (7)

 

 

 

 

Romain GARY (1914-1980)

Romain Gary (1)  Romain Gary (2)  Romain Gary (3)  Romain Gary (4)

 

Romain Gary (5)  Romain Gary (6)  Romain Gary (7)

 

 

 

Marguerite DURAS (1914-1996)

Duras (1)  Duras (2)  Duras (3)  Duras (4)

 

 

 

tableaux

photos de groupes

 

 

________________ 

 

1896

 

Académie Goncourt 1896
l'Académie Goncourt à sa naissance, L'Illustration, 1er août 1896

 

 

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1903

 

Académie Goncourt séance 1903
séance de l'Académie Goncourt en 1903 : Rosny aîné, Karl-Joris Huysmans, Léon Hennique,
Élémir Bourges, Rosny jeune, Gustave Geffroy, Lucien Descaves, Léon Daudet

 

 

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1920

 

les quatre M de Grasset

 

 

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1923

 

Pontigny 1923 André Gide et autres
décades de Pontigny, 1923 : autour d'André Gide

 

 

________________

 

vers 1930

 

surréalistes vers 1930 groupe (1)
les surréalistes, groupe, vers 1930 ;
tous les surréalistes n'étaient pas des écrivains : Hans Arp était surtout un peintre et un sculpteur,
Yves Tanguy un peintre et un dessinateur, Salvador Dali d'abord un peintre, Max Ernst un peintre et un sculpteur,
Man Ray un peintre et un photographe

 

 

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1937

 

écrivains NRF 1937
écrivains du groupe NRF en 1937 : Benjamin Crémieux, Ramon Fernandez, Jacques Audiberti, Boris de Schloezer,
Jules Supervielle, Henri Callet, André Rolland de Renéville, Jean Paulhan,
Marcel Arland, André Malraux
(source informative : Mme Claire Paulhan)

 

 

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écoles littéraires

au XIXe et XXe siècle

 

 

clients bouquiniste

 

[à faire]

 

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[à faire]

 

les convertis

Léon Bloy

Paul Claudel : 1886

Huysmans : 1893

François Coppée : 1898

Paul Bourget : 1901

Francis Jammes : 1905

(Jacques et Raïssa Maritain : 1906)

Charles Péguy : 1908

Max Jacob : 1909

Julien Green : pdt 1e GM

Pierre-Jean Jouve : 1924

François Mauriac : 1928 (retour)

(Gabriel Marcel : 1929)

 

 

 

https://archive.org/details/lesgrandsconver00sage

 

 

les deux Simone

 

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Michel Renard
professeur d'histoire

 

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